Presentación

"El trabajo no debe ser vendido como mercancía, debe ser ofrecido como un regalo a la comunidad"

Ernesto Che Guevara



Por el derecho que tienen los pueblos a saber su propia historia. Por el derecho a conocer sus tradiciones y cosmovisión indígena. Por el derecho a conocer la leyes que los amparan. Por el derecho a socializar el conocimiento liberándolo de la propiedad privada, del autor individual, la editorial, la fundación, la empresa, el mercado y cualquier otro tipo de apropiador que ponga precio a lo que es patrimonio de la humanidad.

Siguiendo el ejemplo de la cultura del regalo que practican los pueblos originarios de todas las latitudes y en la conciencia de que el otro, es también mi hermano: “sangre de mi sangre y huesos de mis huesos”, concepto que los indígenas de Venezuela resumen con el término pariente, he desarrollado esta página, con la idea de compartir estos saberes, fruto de años de investigación en el campo antropológico, para que puedas hacer libre uso de un conjunto de textos, muchos de los cuales derivaron del conocimiento colectivo de otros tantos autores, cuya fuente ha alimentado mi experiencia humana y espiritual.

A mis maestros quienes también dedicaron su vida a la investigación en este campo, apostando de antemano, que por este camino jamás se harían ricos, a los indígenas que me mostraron sus visiones del mundo, a los talladores, ceramistas, cesteros, tejedores, indígenas y campesinos que me hablaron de su oficio.

A Roberto y a Emilio quienes murieron en la selva acompañándome en aventuras de conocimiento, a mis colegas de los equipos comunitarios de Catia TVe, a los colegas de los museos en los que he trabajado, a mis compas de la Escuela de la Percepción, a mis amigas que me han apoyado y a los que me han adversado, mi mayor gratitud.

Lelia Delgado
Centro de Estudios de Estética Indígena
Leliadelgado07@gmail.com

miércoles, 25 de mayo de 2011

PRESENTATION DE L’ORENOQUE ET DE L’AMAZONIE VENEZUELIENNE

 


Al encuentro de los indígenas de la Amazonia venezolana

                                                                                               Por : Lelia Delgado
                                                                                               Biarritz 2001

PRESENTATION DE L’ORENOQUE ET DE L’AMAZONIE VENEZUELIENNE


I.

Le sud du Venezuela offre le spectacle d’un gigantesque accident géologique : collines boisées et ondulées, affleurements de grès fortement érodés, roches ignées et métamorphiques d’une beauté singulière donnent sa forme et sa consistance à un géant qui perpétue les âges : le massif de Guyane. Témoin de millénaires et innombrables remodelages du paysage, formé il y a près de deux milliards sept cent millions d’années, il a acquis sa forme actuelle à l’issue d’un processus d’une durée démesurée et conserve encore le souvenir du premier jour de la création de l’univers.

Dans la forêt ombrophile tout n’est que croissance et décomposition, et les cycles de la vie ne cessent de se renouveler avec les variations climatiques. Pendant la saison des pluies, les rivières sortent de leurs lits et provoquent des changements dans l’habitat. Les sentiers qui traversent la forêt et relient les villages indigènes deviennent alors impraticables et dangereux, et se chargent alors singulièrement de mythes, de magie et de sortilèges.

Il ne faut pas s’étonner que Francisco de Orellana et Fray Gaspar de Carvajal, qui découvrirent l’Amazonie et furent éblouis par le mystère et l’exubérance de ces régions lointaines, aient conté, avec une véracité laissant à peine place au doute, leur rencontre mémorable avec des femmes guerrières qui donna son nom au fleuve et renvoie aux mythes du panthéon grec.

De nouveaux mythes se forgèrent également autour de l’Orénoque que les indigènes peuplant ses rives appelaient Orinocu, Uriaparia, Uyapar ou Baraguan. Christophe Colomb lui-même pressentit son immensité extrême : «  Je n’avais jamais vu une telle quantité d’eau douce se déversant dans de  l’eau salée (…) et crois que cette terre doit être très vaste … »

Les « nouveaux » conquérants de l’Orénoque parcoururent sur plus de deux mille kilomètres ce labyrinthe aquatique où régnait un silence à peine rompu par le cri d’oiseaux multicolores et le clapotis incessant de l’eau où s’enfonçaient les pagaies : ce furent Vicente Yañez Pinzón (1500), Diego de Ordaz (1531-32), Antonio de Berrío (1584-97), José de Iturriaga (1750), José Solano (1756), Francisco de Bobadilla (1759) et Apolinar Diéz de la Fuente (1760), parmi de nombreux autres, car 9.000 ans avant notre ère, d’anciens chasseurs et cueilleurs anonymes venant du nord-ouest de l’Amérique du Sud s’étaient enfoncés dans les bassins de l’Orénoque et de l’Amazone pour s’y établir définitivement.

Les peuples pré-hispaniques qui vivaient dans cette région nous ont légué une grande variété d’outils de travail : éclats de pierres, racloirs, couteaux et pointes de projectiles en pierre, quartz et jaspe, outre un art rupestre incomparable. Les premiers villages stables s’établirent définitivement dans le bas Orénoque au cours des siècles précédant l’ère chrétienne ; ceci permit le développement de l’agriculture et d’une céramique d’une qualité remarquable.

La pénétration religieuse dans la région de l’Orénoque et de l’Amazonie vénézuélienne débuta avec la Compagnie de Jésus. Peu après l’expulsion de cette dernière en 1767, les Capucins se chargèrent des villages où étaient implantées les missions. Leur succédèrent les Franciscains, les Dominicains et les Augustiniens qui entreprirent d’ouvrir de nouvelles voies, de construire des routes, de fonder des villages, d’édifier des églises, de dresser des cartes et d’écrire de riches chroniques comme celles des Pères Manuel Román et José Gumilla (1750), Caullín (1779) ou Filippo Salvatore Gilij (1780-1784) ; celles-ci fournissent une précieuse documentation sur l’histoire ancienne de la région et le mode de vie des indigènes dont le savoir, accumulé pendant des milliers d’années, a donné naissance à des cultures d’une très grande diversité.

En même temps que les missionnaires, arrivèrent sur ces eaux agitées qui se fracassent,  rebondissent et rugissent contre les roches, pirates et contrebandiers qui saccagèrent les premières villes construites sur les rives de l’Orénoque et y instaurèrent le commerce d’esclaves indiens vendus dans les Antilles néerlandaises.

L’Orénoque constitua aussi une voie d’accès pour les armées de libération lors des campagnes qui aboutirent à l’indépendance du Venezuela. Comme l’écrit Bolivar dans une lettre à Paez datée du 30 juin 1819 : « Seule une constance à toute épreuve et la décision de ne renoncer en rien à un plan qui a été si unanimement applaudi ont  pu me faire franchir des chemins impraticables voire presque inaccessibles, sans transports permettant de remplacer nos munitions, sans vivres pour l’entretien des troupes et à une saison si rigoureuse qu’il n’y a pratiquement aucun jour ni nuit où il ne pleuve ».

II.

Attirés eux aussi par cette immensité végétale et cette surabondance de vie, les premiers naturalistes européens qui se rendirent sur l’Orénoque en ramenèrent des centaines d’espèces de flore et de faune des plus rares, propres à ces territoires, qui contribuèrent à enrichir l’histoire des sciences naturelles.

C’est le cas du naturaliste suédois Pehr Loefling, disciple de Linné avec lequel il collabora à  l’ouvrage intitulé  Fundamenta Botánica, qui en 1750 prit part à l’expédition d’Iturriaga chargée de délimiter les frontières.

En 1800, Alexandre de Humboldt et le Français Aimé Bonpland s’avancèrent sur l’Orénoque à partir de l’embouchure du fleuve Apure. On leur doit d’importantes descriptions géographiques et astronomiques qui permirent de rectifier et dresser des cartes telles que celles du cours de l’Orénoque, de l’Atapabo, du Casiquiare et du Rio Negro (Paris, 1814) et permirent en outre l’essor de la cartographie en tant que discipline  géographique. Leurs apports à d’autres sciences telles que la botanique et la zoologie sont innombrables. Leur exploration du Casiquiare permit de corroborer l’existence d’un chenal naturel qui unit les deux grands bassins hydrographiques d’Amérique, ceux de l’Orénoque et de l’Amazone, par l’entremise du Rio Negro.

On doit à Humboldt la preuve de l’origine asiatique de l’homme américain et la naissance d’une anthropologie fondée sur des critères scientifiques. Il a ouvert de nouvelles voies de connaissance en diverses disciplines anthropologiques telles que l’ethnographie, l’ethnobotanique, l’archéologie et la linguistique. Ses descriptions subtiles des caractéristiques culturelles de peuples indigènes tels que les Guaiqueri, les Chaima, les Warao, les Yaruro, les Guamo, les Otomaco, les Sáliva, les Guahibo, les Ature ou les Maipure, décrits dans son ouvrage Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, en font un pionnier de l’anthropologie vénézuélienne.

Parmi les nombreux explorateurs et voyageurs qui remontèrent l’Orénoque et s’aventurèrent dans la région de l’Amazonie vénézuélienne figurent Agustín Codazzi, chargé de dresser la première carte géographique du Venezuela (1838), Francisco Michelena y Rojas (1858) et Robert Schomburgk, explorateur allemand originaire de Fribourg, qui se rendit du Roraima à la Piedra del Cocuy entre 1838 et 1839 et à qui l’on doit l’élaboration de la première carte de la Guyane britannique. Son frère Richard Schomburgk explora la Guyane entre 1840 et 1844 et publia entre autres ouvrages ses Voyages en Guyane Anglaise.

Le Français Eugène Thirion-Montauban se rendit entre février et mai 1846 sur l’Orénoque où il recueillit des matériaux exposés par la suite à l’Exposition Universelle de 1867 à  Paris. Richard Spruce, éminent botaniste anglais, explora la région de l’Amazonie et le bassin de l’Orénoque (1853-1854) et en ramena des descriptions scientifiques des plantes spécifiques de la région et des notes à caractère anthropologique, linguistique et archéologique rassemblées par Alfred Wallace dans un ouvrage publié en 1908 à Londres sous le titre Notes of a botanist on the Amazon & Andes. A la fin de 1880, Nicholas Crevaux, médecin et explorateur français, assassiné par les Indiens Tobas aux confins de  l’Argentine et du Paraguay, passa par San Fernando de Atabapo où il s’intéressa aux eaux « noires » de ce fleuve. En février 1883, Ch. P. Gachet explora un vaste réseau de concessions minières et raconte cette expérience dans son livre  Excursion au pays de l’Or, publié l’année suivante à Paris. En 1885, l’explorateur français Jean Chaffanjon effectua un premier voyage dans le Haut Caura, puis en 1886, sur les instructions du ministère français de l’Instruction Publique, il entreprit, en compagnie du peintre français Auguste Morisot, un nouveau périple à la faveur duquel il se proposait d’atteindre les sources de l’Orénoque, sans toutefois y être parvenu. Jules Verne s’inspira de l’extraordinaire récit de ce voyage pour écrire son roman Le Superbe Orénoque, publié à Paris en 1898, œuvre de fiction où l’auteur recrée le voyage de Chaffanjon.

En 1887 un scientifique français, Albert Gaillard de Tiremois, explora des cimetières indigènes De’aruwa et Hiwi dans le Haut Orénoque. A cette même époque, le ministère français de l’Instruction Publique envoya dans la région le Dr Lucien Morisse, diplômé de l’Ecole de Médecine de Paris, qui effectua trois missions importantes le long de l’Orénoque et dans les régions frontalières de la Colombie et du Brésil afin d’étudier les possibilités d’exploitation de l’or et du caoutchouc dans la région.

Un autre scientifique, l’Allemand Theodor Koch-Grünberg, parcourut la région de l’Orénoque en 1913 et décrivit en détail sa traversée de la Guyane vénézuélienne et brésilienne dans son ouvrage Vom Roraima zum Orinoco. Ergebnisse einer Reise in Nordbrasilien und Venezuela in den Jahren 1911-1913. On doit par ailleurs à cet auteur d’excellents documents sur les langues indigènes de la région.

En janvier 1920, Alexander Hamilton Rice, un géographe américain, partit explorer le cours de l’Orénoque jusqu’à ses sources. Une rencontre hostile avec un groupe Yanomami dans les rapides des Guaharibos mit fin de manière inopinée à l’expédition. Les explorateurs interprétèrent comme une agression le salut d’indigènes armés d’arcs et de flèches et estimèrent qu’il ne leur restait d’autre issue que la retraite, après quelques tirs en l’air. Après cet incident, cette région fut pendant longtemps considérée comme infranchissable.

Au début de 1949, l’expédition française d’Alain Gheerbrant, qui venait de Colombie par le Vichada, arriva sur l’Orénoque et parcourut le fleuve de Puerto Ayacucho jusqu’à l’embouchure du Ventuari, puis jusqu’au cours supérieur du Caura et au Merevari, pour enfin parvenir au Brésil par le fleuve Uraricuera en 1950. Cette expédition lui permit de recueillir une importante documentation ethnographique rassemblée dans son ouvrage Lexpédition Orénoque- Amazone.

En dépit de l’intense activité des voyageurs et des membres des expéditions qui remontèrent l’Orénoque pratiquement dès les premières années du processus de conquête et de colonisation de la région, ce ne fut qu’à la fin de 1950 que le gouvernement vénézuélien décida d’établir définitivement les coordonnées géographiques des sources de l’Orénoque. La mission fut confiée au ministère de la Défense et à la Direction de la Cartographie Nationale qui nommèrent chef de l’expédition le Major Franz Rísquez Iribarren, accompagné d’un important groupe de scientifiques composé notamment de José María Cruxent,  Luis Carbonell,  Pablo Anduze et Félix Cardona et de chercheurs français tels que Marc de Civrieux, René Lichy, Pierre Couret, Francisco Laforest, Raymond Pellegry, Manuel Butrón, Pierre Ivanoff  et Joseph Grelier.

L’expédition franco-vénézuélienne atteignit son objectif le 27 novembre 1951, après de multiples difficultés relatées dans les ouvrages publiés par certains de ses membres, notamment : Donde nace el Orinoco (Caracas, 1962), de Franz Rízquez Iribarren ; Shailili-Ko (Caracas, 1960), de Pablo Anduze; Yaku, las fuentes del Orinoco (Caracas, 1979), de René Lichy ; Aux sources de l´Orénoque (Paris, 1954), de Joseph Grelier, auxquels vinrent s’ajouter des textes rassemblés par le Colonel Alberto Contramaestre Torres, La Expedición Franco-Venezolana al Alto Orinoco (Caracas, 1954).

Parallèlement, tout au long du XXème siècle, des chercheurs vénézuéliens et étrangers se sont attachés, dans tous les domaines des sciences naturelles et sociales, à l’étude des cultures originaires de l’Orénoque, comme le prouve la vaste bibliographie sur la région où l’on relève notamment parmi d’autres les noms d’Otto Zerrie et Meinhard Schuster, Johannes Wilbert, Nelly Arvelo-Jiménez, Daniel Barandiarán, Ettore Biocca, Walter Coppens, Omar González Ñañez, Joana Overing Kaplan, outre ceux de chercheurs français  tels Jacques Lizot, Marc de Civrieux et Marie-Claude Mattéi-Müller.

  1. BARE

Au commencement du monde, tout était asexué, même les étoiles. Yamadu, l’esprit malin, maître de la nature, était assisté de nains aux longs bras et aux énormes chevelures. Les Bare les craignaient et se défendaient d’eux avec astuce, mais ils n’étaient pas aussi méchants qu’ils le semblaient, plutôt moqueurs et menaçants.

                                                                                                                 Mythologie bare


Selon certains spécialistes, Bare veut dire « compagnon » ; d’après certains autres, ce nom  pourrait venir de « bari » qui signifie « hommes blancs ». Les Bare parlent une langue presque disparue qui se rattache à la famille linguistique arawak.

Le territoire tribal des Bare s’étendait de Manaos jusqu’aux campements du rio Pacimoni, le long du cours moyen et supérieur du Rio Negro et du canal du Casiquiare. Située aux confins des empires espagnol et portugais, cette région fut le théâtre de migrations et de conflits permanents.

Les Bare sont à l’heure actuelle dispersés dans la région du Casiquiare, dans des agglomérations peuplées en majorité de créoles comme Puerto Ayacucho, San Fernando de Atabapo,  Solano, San Carlos de Río Negro, Santa Rosa de Amanadona et Santa Lucia.

Ils ont peut-être partagé les moyens de subsistance d’autres groupes de la région : agriculture basée sur le conuco, champ obtenu selon le système de la taille et du brûlis, outre la cueillette, la chasse et la pêche.

La plupart des travaux agricoles étaient des tâches réservées aux femmes, à l’exception de la taille des arbres. Les femmes se chargeaient de semer et cueillir le manioc, de confectionner la cassave et la farine de manioc, de réaliser les tâches ménagères, de teindre et torsader les fibres servant à tisser les hamacs et de fabriquer les poteries.

La chasse, peu fréquente vu la rareté des mammifères de grande taille dans la région, était favorisée par des amulettes et des formules magiques propitiatoires. Les Bare chassaient vraisemblablement des tapirs, des agoutis et des oiseaux tels que la pava, le pauji et la gallineta.
.
Hommes et femmes étaient vêtus de cache-sexe confectionnés à l’aide de marima. Les hommes ont toutefois adopté depuis longtemps l’usage du pantalon et les femmes celui de la jupe longue. Parmi les objets de la culture matérielle bare figurent les hamacs tissés avec des fibres de cumare, curagua et moriche. Ces fibres effilochées et séchées au soleil étaient teintes en rouge, jaune et violet. Les Bare fabriquaient avec du chiquechique tous les cordages utilisés pour la pêche.

Références

 B. Tavera-Acosta, Río Negro: reseña etnográfica, histórica y geográfica del Territorio Federal Amazonas, (3e édition), Caracas, 1954.

2.      BANIWA
Au commencement du monde, il n’y avait pas de lumière, et seul Nápiruli, le Créateur, pouvait voir dans l’obscurité. Il créa d’abord Dzuuli, son cadet. Puis vint la création de l’homme et de la femme, suivie de la création du monde, de la lumière, de la terre, de l’eau, des plantes et des animaux. Nápiruli créa les semences de chaque plante : une pour le manioc, une pour l’ananas, une pour la canne à sucre et une pour le bananier. Il enseigna aux femmes à semer, récolter et tisser les catumares, les paniers magiques utilisés pour recueillir et transporter les aliments.

                                                                                                           Mythologie baniwa



La langue baniwa appartient à la famille arawak et est intimement liée à celle des Bare, Tsase, Warekena et Wakuénai que parlent près de deux mille personnes vivant entre le Venezuela, la Colombie et le Brésil.

Les Baniwa ont été affectés par le processus de conquête et de colonisation et plus tard par la fièvre du caoutchouc qui se déclencha au début du siècle dernier. Ils sont aujourd’hui en nombre réduit et leur culture s’est transformée. Les survivants vivent à Maroa, capitale du département du Casiquiare dans l’Etat vénézuélien Amazonas, ainsi que près du Caño Aquio et du Rio Isana en Colombie. La violente histoire de la région a entraîné la migration des Baniwa vers San Fernando de Atabapo,  San Carlos de Rio Negro,  Santa Rosa,  Puerto Ayacucho et le rio Xié au Brésil.

Les Baniwa fabriquent des sarbacanes, des arcs et des flèches munies de pointes en os avec lesquelles ils chassent singes et oiseaux et qui sont aussi utilisées pour la pêche, outre les nasses servant de  pièges.

Ils furent naguère très versés dans l’art de la vannerie et de la poterie mais très peu de ces arts ont été transmis aux nouvelles générations.

Les quelques familles qui se consacrent encore à la vannerie fabriquent des nattes, des guapas, des sebucanes, des mapires, des catumares et des éventails pour attiser le feu ou retourner les galettes de cassave. Ces objets sont fabriqués avec des fibres de tirite, de mamure, de moriche et de cucurito. La fibre de chiquichique est utilisée pour la fabrication des petits balais employés pour éventer la farine de manioc lors de la fabrication de la cassave. Bien qu’ils tissent le coton, les Baniwa ne confectionnent pas leurs hamacs qu’ils préfèrent acheter en Colombie.

Parmi les instruments de musique les plus courants figurent les sifflets yupururo, fabriqués avec la tige du palmier mabe, et les bâtons utilisés pour marquer le rythme des danses pendant la fête du Dabacurí ; en heurtant le sol, ils produisent un son rappelant celui du tambour.

Le processus de métissage et d’acculturation n’a pas empêché les Baniwa de garder la mémoire de leurs anciens mythes sur les origines du monde créé par Nápiruli (Iñapirrikúli). C’est le héros culturel que l’on retrouve chez d’autres groupes arawak du sud du Venezuela et de la Colombie.

Tout comme les Bare, les Baniwa attribuent les changements climatiques aux aparo, des nains qui chargent tonnerre et éclairs sur leurs épaules et qu’ils considèrent comme les maîtres du climat. Les aparo sont des mawali, autrement dit des esprits malins. Ces petits hommes naviguent sur les eaux sombres et turbulentes du Guainia et du Rio Negro sur de minuscules canoës que l’œil humain ne peut distinguer. C’est ainsi qu’ils amènent la pluie, le vent et le brouillard. Parcourant fleuves et rivières pendant la saison des pluies, ils renversent les canoës des humains si par mégarde ceux-ci les aperçoivent et précipitent leurs outils au fond des fleuves.

En dépit de la crainte que les Baniwa éprouvent pour les aparo, ils continuent à s’aventurer sur les fleuves à la recherche d’aliments, à l’instar de leurs ancêtres.

Références

Oscar González Ñáñez, Orígenes del mundo según los Baniva, Venezuela Misionera, Caracas, 1970.

Robin Michael Wright, "Lucha y Sobrevivivencia en el Noroeste de la Amazonia", América Indígena, Vol. XLIII (3), 1983, pp. 537 - 553.

  1. DE’ARUWA
Après la mort, les âmes des chamans De’aruwa voyagent au-dessus des montagnes jusqu’au royaume des vents. Là, les chamans inhalent du yopo et se mettent à chanter. Leur gorge se transforme en flûte et conserve les chants. De leur haleine naît un jaguar, de leurs yeux des abeilles. Les âmes des hommes ordinaires retournent à leur lieu d’origine. Là, frères et sœurs entretiennent des relations incestueuses mais n’ont pas de progéniture.

                                                                                                          Mythologie de’aruwa


Les De’aruwa parlent une langue appartenant à la famille saliva, fortement influencée par certains termes des langues arawak et caribe. Le terme De’aruwa s’applique à tous les êtres vivants qui savent où ils vivent et comment vivre de manière harmonieuse. Les De’aruwa s’attribuent ce nom parce qu’ils savent naître, vivre et mourir dans la forêt. Ce sont les « seigneurs de la forêt ».

Ils habitent dans les bassins du Puruname, Sipapo, Autana, Cuao, Guayapo, Samariapo, Cataniapo, Paria, Parguaza, dans le Haut Suapure, le bassin inférieur du Ventuari, la vallée du Manapiare, près de Puerto Ayacucho et sur la rive colombienne de l’Orénoque.

Les villages de’aruwa sont composés de plusieurs maisons communales ou churuatas. Quoique d’apparence rudimentaire, la churuata allie perfection et fonctionnalité. Elle se présente sous la forme d’une coupole abaissée avec un toit se terminant en pointe conique. L’intérieur est plongé dans une douce pénombre à peine illuminée par la lumière des torches. Un réseau complexe de poteaux, de poutres et de ligaments disposés en  anneaux concentriques en compose la structure. Aucune division ne sépare les espaces familiaux. Chaque famille connaît l’endroit qui lui revient, où elle doit placer ses biens, ses hamacs, son foyer. La zone centrale est à la disposition de tous et sert aux rituels, aux travaux artisanaux et à l’hébergement des hôtes.

Hommes et femmes de’aruwa sont vêtus de cache-sexe en coton, cultivé dans les champs ou conucos. Ils s’ornent aussi de plumes dont ils se couvrent le corps, de couronnes, de coiffures, de bracelets et de colliers faits de dents de caïmans ou de pécaris et de plumes multicolores.

Les De’aruwa se peignent sur le corps, à l’aide de tampons en bois, des signes de divers types, formes et dimensions qu’ils considèrent comme spécifiques et qui sont la représentation graphique d’un savoir acquis au fils des ans lors de cérémonies complexes. Ceux réservés aux femmes les confirment dans leur vocation de fertilité, ceux des hommes leur réservent un destin prometteur de chasseur et les pouvoirs du chant chamanique.

Les De’aruwa possèdent de vastes connaissances botaniques. Au cours des cérémonies rituelles, ils inhalent des substances hallucinogènes soigneusement élaborées. Chaque chaman possède sa propre technique et cherche à obtenir la meilleure qualité possible.

Le yopo et les ustensiles destinés à sa consommation sont conservés dans de petits paniers tressés en forme de boîtes appelés petacas ou yoperas qui contiennent un mortier en bois avec son pilon, un inhalateur, un pinceau pour rassembler la poudre hallucinogène, un peigne et une plume de pauji servant à nettoyer les conduits de l’inhalateur.

Le Warime est la plus importante  cérémonie des De’aruwa. C’est un rite de fertilité célébré tous les trois ans, au cours duquel ils attirent sur leur territoire les pécaris, ancêtres mythiques qui viennent des régions sacrées. Ce rituel requiert la confection d’objets sacrés tels que masques, instruments de musique et vêtements. Les masques représentent sanglier, singe blanc et Re’yo, l’esprit malin de l’abeille.

Les instruments musicaux de’aruwa imitent les cris des animaux ancestraux. La wora, par exemple, est une flûte en bambou qui émet un son rappelant le rugissement du jaguar. D’autres reproduisent le chant du toucan ou le cri du singe hurleur. Ce sont des objets sacrés, aujourd’hui fabriqués à des fins commerciales.

La vie quotidienne des De’aruwa tourne autour des champs. Pendant la saison des pluies, ils cultivent bananes, patates douces, canne à sucre, ananas, coton et surtout manioc amer, leur principal produit agricole. Pendant la période de sécheresse, ils chassent à l’aide de la sarbacane avec laquelle ils lancent des dards empoisonnés enduits de curare.

Les De’aruwa mangent des singes, des tatous, des cabiais et des lapas, outre certains reptiles comme le caïman et une grande variété de poissons et d’oiseaux. Ils s’imposent toutefois une série de restrictions alimentaires et évitent de chasser le tapir, leur animal sacré ainsi que des animaux de grande taille tels les cerfs.

Ils se livrent à la cueillette des fruits et à la collecte d’insectes et de serpents au cours d’expéditions auxquelles participent hommes, femmes et enfants. Le produit en est équitablement réparti au retour entre les familles occupant la maison communale.

Les individus sont libres de choisir leur activité dans certains villages de’aruwa où existe un haut degré de coopération. Ainsi, un homme peut ne pas être contraint de partir à la chasse  s’il préfère rester fabriquer un panier au village.

La vannerie constitue une activité à caractère utilitaire pour les De’aruwa, qui fabriquent des catumares, des mapires, des sebucanes et des guapas.

Comme c’est le cas d’autres groupes indigènes de la région, leur poterie a disparu en raison de l’usage de plus en plus répandu de récipients en aluminium et en plastique. Les De’aruwa de la région du Haut Cuao fabriquent toutefois des marmites et d’autres récipients en terre qui leur servent à entreposer des aliments et des liquides.

Références

Lajos Boglár, Wahari. Eine südamerikanische Urwaldkultur, Leipzig/Weimar, 1982.

Pablo Anduze, Bajo el signo de Mawari, Imprenta Nacional, Caracas, 1973.




  1. E’ÑEPA

Selon les E’ñepa, tout ce qui existe a été créé par Mareoka : le feu, l’eau, le soleil, le jour, la nuit, les plantes et les animaux. Mareoka leur a appris à fabriquer des hamacs, des sarbacanes, des arcs, des flèches et des paniers. Il leur a aussi enseigné à jouer de la flûte et à chanter. Un jour, Mareoka demanda à chacun d’entre eux : Que veux-tu être ? Veux-tu être un homme ? Veux-tu être un cerf, un caïman, un tatou, un singe, une tortue ou un oiseau ? Chacun choisissait. Ceux qui optèrent pour une forme animale restèrent des E’ñepa. C’est pourquoi les E'ñepa ne mangent pas les animaux qu’ils considèrent comme leurs ancêtres.

                                                                                                Mythologie e’ñepa


Les hommes qui à l’origine peuplaient le Haut Cuchivero, connus sous le nom de Panare, se désignent sous le nom d’E’ñepa, qu’ils attribuent aussi aux indigènes d’autres ethnies à l’exception des Hoti, qu’ils appellent Onwá. Ils parlent une langue appartenant à la famille caribe.

Les E’ñepa vivent actuellement dans une région située sur la rive droite du cours moyen de l’Orénoque. Il existe aussi des villages e’ñepa plus au sud, aux confins de l’Etat Amazonas.

Chez les E’ñepa, une personne peut se distinguer par son âge, son expérience et sa sagesse sans pour autant bénéficier de privilèges particuliers. Elle ne dispose d’aucun pouvoir politique la plaçant au-dessus des autres individus de son sexe. L’autorité individuelle est très peu développée et n’outrepasse pas les limites de la communauté ; les situations conflictuelles sont donc rares.

Les E’ñepa se consacrent à l’agriculture et essentiellement à la culture du manioc amer. La chasse et la pêche sont des éléments fondamentaux de leur économie. Avant l’introduction des armes à feu, ils chassaient à la lance les animaux d’une certaine taille comme les tapirs et les cerfs.

Ils pêchent à l’aide d’un poison végétal, le barbasco, qui endort les poissons et utilisent aussi du fil de nylon et des hameçons qu’ils achètent aux créoles. Ils recueillent du miel et les fruits de certains palmiers tels que le moriche et le pijiguao et certaines espèces de fourmis et de vers de palmier comestibles.

Bien que la vannerie soit pour eux un art traditionnel, les E’ñepa ont adopté dans les années soixante les modèles ye’kuana, ce qui leur a permis d’améliorer leurs techniques et d’introduire des représentations graphiques qui jusque là leur étaient inconnues.

Quelques années après, ils se sont libérés des conventions ye’kuana et ont créé une vannerie reflétant une nouvelle attitude esthétique. Leurs dessins constamment innovateurs ont contribué à la création d’une iconographie qui se distingue par une précision accrue dans les détails. L’utilisation de certaines formes de perspective rompt avec le traditionnel profil plat de la vannerie ye’kuana et fait de la guapa  leur moyen d’expression artistique le plus raffiné.

Les E’ñepa se peignent le corps à l’aide de tampons en bois sculpté de formes, tailles et dessins très variés. Cette pratique s’effectue tout au long de la vie. Aux enfants on ne peint que les pieds et les mains.

Les jeunes gens utilisent des dessins géométriques dont ils se couvrent tout le corps. Les tampons en bois sont imprégnés d’une substance colorante d’une couleur rougeâtre à base de roucou et de graisse animale. Ils utilisent aussi le noir de fumée qui se maintient plusieurs jours sur la peau.

Ils tissent des hamacs sur des métiers à tisser horizontaux rudimentaires de forme ovale. Ils portent en général un cache-sexe en coton teint à l’onoto. La toile passe entre les jambes et est fixée à la taille à l’aide d’une courroie faite de cheveux humains. A chaque extrêmité se balancent des pompons qui retombent à l’arrière du corps.

Les jeunes gens entourent leur dos et leurs épaules de bandes de coton tissé. A la différence d’autres ethnies de la région, qui préfèrent utiliser des vêtements de type européen pour se rendre dans les villages créoles, les E’ñepa sont fiers de leur tenue traditionnelle.

Références


Paul Henley et Marie-Claude Mattéi-Müller, Wapa. La Comercialización de artesanía indígena y su innovación artística, Litografía Tecnocolor, Caracas, 1978.

Marie-Claude Mattéi-Müller, Diccionario Ilustrado Panare – Español  Español - Panare: Un aporte al estudio de los Panare - E’ñepa, Comisión Nacional Quinto Centenario, Caracas, 1994.

  1. HIWI

Kúwai, le Créateur, créa le monde en une seule fois ; mais pour créer les hommes il dut s’y prendre à plusieurs reprises. Ils les fit tout d’abord en argile, mais celle-ci s’effrita sous la pluie. Il essaya alors la cire, mais elle fondit à la chaleur. Il les fabriqua donc dans un bois résistant et un rat mythique sculpta leurs organes génitaux, leur offrant la possibilité de procréer. Les Hiwi furent dotés de deux âmes : Yéthi et Húmpe. La première est invisible et quitte le corps pendant le sommeil pour apparaître dans les rêves des autres hommes. L’autre, après la mort, se rend chez Kúwai où elle vit dans l’abondance de richesses et de nourriture.

                        Mythologie hiwi

Hiwi signifie « gens de savane ». Les Hiwi ont en effet vécu de tout temps sur les terres basses situées entre le Meta et le Vichada en Colombie. Au Venezuela, il existe des populations hiwi dans les Etats Apure, Guárico, Bolivar et Amazonas.

Leur longue histoire semée de violents conflits qui se prolongent jusqu’à nos jours a considérablement modifié leur mode de vie.

Les Hiwi portent des vêtements ordinaires lorsqu’ils se rendent dans des agglomérations peuplées de créoles : chemise et pantalon pour les hommes, robes de coton pour les femmes. Dans leurs villages ils utilisent encore le cache-sexe traditionnel fait de toile ou d’écorce de marima, quoique de moins en moins fréquemment. Ils aiment se parer de colliers en perles de verre et d’amulettes cérémonielles dotées de pouvoirs chamaniques,  faites de dents d’animaux, de griffes et de becs d’oiseaux.

L’art textile est un aspect important de leur culture matérielle. Ils tissent des hamacs de bonne facture faits de fibres de moriche ou de cumare sur des métiers à double trame horizontale.

La vannerie est une occupation essentiellement masculine. Les hommes tressent des paniers  à la trame peinte en rouge et noir qui sont ornés de dessins géométriques et servent au transport, au tamisage et à l’entreposage des aliments. Depuis peu les femmes se sont associées à la confection de vanneries destinées à la vente.

La poterie est une activité féminine propre à la saison sèche. Les pièces sont confectionnées sur une base modelée sur laquelle sont enroulés des anneaux d’argile. Une fois sèches, elles sont cuites dans un bûcher à l’air libre puis décorées à l’aide de teintures végétales.

Ces dernières années, l’introduction de récipients en aluminium et en plastique a entraîné un certain déclin de la poterie, dont celle destinée à la vente aux créoles, et en particulier les pots aux formes féminines richement décorés de motifs géométriques.

Bien qu’ils n’aient pas la réputation d’être de bons navigateurs, les Hiwi fabriquent des canoës, des pagaies et des radeaux dans un arbre ressemblant au cèdre qu’ils travaillent au  feu, à la hache et à la machette. Le finissage grossier et la fabrication rudimentaire de ces embarcations semblent indiquer qu’il s’agit d’une acquisition récente. Les pagaies ont un manche rond et une pale ovale.

Pour les fêtes, les Hiwi fabriquent des instruments de musique à vent et à percussion. Les flûtes à trois orifices sont confectionnées dans des os de cerfs. Ils utilisent beaucoup la flûte de Pan, faite de cinq ou six tiges de rotin dans lesquelles les musiciens soufflent alternativement, ainsi qu’un instrument singulier réalisé avec le crâne et les cornes d’un cerf.

La maraca est le principal instrument à usage chamanique. Elle est faite d’une calebasse où sont gravés des motifs géométriques et au sommet de laquelle sont fixées des plumes noires de pauji formant une sorte de panache.

Références

Johannes Wilbert, Indios de la región Orinoco Ventuari, Fundación la Salle de Ciencias
Naturales, Caracas, 1966.
  1. HOTI

On dit que les chamans hoti peuvent tuer à distance rien qu’en soufflant. Quand on les provoque, ils dispersent dans l’air une poudre magique appelée madúa qui provoque des maladies. Cette poudre les protège aussi des animaux dangereux de la forêt. Les chamans hoti peuvent aussi guérir. Les séances de cure se font dans le silence le plus total, sans chants ni maracas et sans recours au tabac ou à d’autres substances magiques.

Mythologie hoti

La traduction la plus proche du mot « Hoti » est  « homme ». La langue hoti n’a pu être rattachée à aucune des grandes familles linguistiques d’Amérique. Certains auteurs la  relient aux langues de’aruwa ou saliva. D’autres y ont relevé des analogies avec les systèmes vocaliques et la nasalisation du yanomami.

On connaît peu l’histoire de ce peuple. Son isolement semble être lié aux difficultés de communication fluviale qui empêchèrent les créoles de pénétrer sur leur territoire en dépit de l’exploitation du pendare, de la balata, du chiclé et de la sarrapia dans la région durant  la première moitié du siècle dernier.

Leur territoire, une région de forêts située au nord-ouest du massif de Guyane, dans le bassin moyen et supérieur de l’Orénoque, est limité au nord par le Kaima, à l’est par la Serranía de Maigualida, au sud par l’Asita et le caño Majagua et à l’ouest par le Parucito et le Cuchivero.

Les Hoti vivent dans de petits hameaux composés d’une à quatre habitations provisoires car les familles ont coutume de se déplacer au sein d’un même territoire, surtout pendant la saison sèche. Les groupes sont constitués d’une ou plusieurs familles unies par des liens de parenté qui partagent un emplacement et un territoire communs.

La famille nucléaire occupe en général une seule demeure ; lorsqu’il s’agit d’une maison communale, chaque famille dispose d’un espace limité où elle place ses biens personnels, ses hamacs et son foyer. L’obtention de la nourriture et la préparation des repas sont des activités autonomes.

La culture matérielle des Hoti témoigne de nombreux emprunts à leurs voisins E’ñepa : huttes, hamacs en coton, ustensiles de cuisine, instruments de musique, vanneries, vêtements et ornements offrent de nombreuses ressemblances avec ceux des E’ñepa.

Les Hoti se parent de colliers faits de graines séchées, de griffes de tapir, de becs et de fins os d’oiseaux. Ils ont coutume de se perforer les lobes des oreilles pour y placer un morceau de bambou ou un os de pécari ou de singe. Ils se peignent en outre le corps avec du rocou et d’autres résines végétales.

Ils cultivent et filent le coton avec lequel ils tissent des hamacs et des cache-sexe. La culture et le filage sont des tâches exécutées par hommes et femmes, bien que ce soient souvent ces dernières qui s’en chargent. Les hamacs sont tissés à l’aide de fils à trois brins teints au rocou. Le métier rudimentaire est fait de deux piquets verticaux placés à une distance d’un mètre et demi, soit la longueur approximative du hamac.

Jusqu’à une date récente les Hoti vivaient nus. L’utilisation du cache-sexe est due à l’influence des E’ñepa. Ceux des hommes sont rectangulaires et fixés à la taille tandis que ceux des femmes couvrent  à peine le pubis. Ils sont en général en coton tissé mais d’autres fibres sont aussi utilisées. A l’instar des E’ñepa, les hommes le retiennent avec une lanière  tissée faite de cheveux humains. Les enfants portent une bande de coton enroulée autour des hanches. Les adultes s’ornent aussi les poignets, les jambes et les chevilles de bandes de coton.

 La céramique hoti ressemble à celle des E’ñepa. Les poteries sont faites d’anneaux d’argile superposés puis polies avec un morceau de calebasse. Les pièces sont ensuite séchées et cuites dans des brasiers à l’air libre. Les Hoti utilisent aussi des calebasses comme récipients et ustensiles de cuisine.

Les Hoti fabriquent une grande variété de paniers, de corbeilles utilisées pour le transport et de soufflets servant à attiser le feu, confectionnés en fibre de tirite et tressés en diagonale. Ils confectionnent aussi de fines nattes à l’aide de palmes et des guayares, paniers de forme rectangulaire de confection grossière qui sont abandonnés après usage.

Références


Virginia Guarisma Pinto y Walter Coppens, "Vocabulario Hoti", Antropológica 49, 1978, pp. 3 - 28.

  1. PUINAVE
Túpana, le Créateur, descendit du monde céleste pour arracher les hommes aux entrailles de la terre. Il s’aperçut alors qu’ils étaient nains et souffla sur une feuille de tabac pour les faire grandir. Et il leur apprit à survivre. Ils ne lui en surent pas gré et essayèrent de le tuer. C’est pourquoi Túpana créa la déesse Yopinai, qui donna aux femmes le pouvoir d’asservir les hommes.

Mythologie puinave

Les Puinave sont une ethnie minoritaire. On ne sait pas très bien quand ni par où ils sont arrivés au Venezuela, venant de la région de l’Inirida en Colombie, pour s’établir dans les environs de Guasuriapana et de San Fernando de Atabapo.

L’origine de la langue puinave n’a pas été clairement établie. Certains auteurs la considèrent comme une langue indépendante, tandis que d’autres estiment qu’il s’agit d’un substrat commun à plusieurs langues ou lui trouvent des affinités avec celle des Tucano et des Macú.

Les villages étaient autrefois provisoires car les Puinave se déplaçaient sans cesse sur leur territoire tribal. Ils ont aujourd’hui adopté un type d’habitation stable de type créole, de forme carrée avec un toit à deux pentes et des murs en terre. Chaque village et son territoire appartiennent  au groupe qui y réside.

Les Puinave ont progressivement perdu leurs riches traditions religieuses. Pour la célébration du rituel du Yurupary, qui comportait une séance de flagellation, ils fabriquaient des fouets faits d’une baguette flexible à l’extrémité de laquelle était fixée une corde tressée avec de la fibre de curagua fixée à l’aide de résine de peramán. Ce rite exigeait une préparation laborieuse et d’abondantes provisions de nourriture et de boissons telles que le pai, à base de manioc et d’igname fermentés ou le yaraque, mélange d’eau et de cassave.

Comme d’autres groupes ethniques de la région, les Puinave pratiquent une agriculture basée sur la taille et le brûlis qui tient compte de l’alternance des saisons humide et sèche  et réduit au minimum les déséquilibres écologiques. Leur principal produit est le manioc amer, mais ils en cultivent également d’autres de moindre importance.

Les terres ne sont occupées que pendant quelques années afin de ne pas épuiser les sols, puis sont abandonnées. L’absence de clôtures et d’autres systèmes de démarcation permet à la forêt de récupérer lentement son territoire et au sol de reconstituer ses nutriments. La production agricole est destinée à la consommation personnelle et éventuellement à la vente. Une femme travaillant intensément pendant un mois peut produire quarante sacs de manioc qu’elle pourra vendre.

La pêche est pratiquée pendant toute l’année. Pendant la saison sèche, elle s’effectue dans des caños, bras de rivières peu profonds, à l’aide d’hameçons, de harpons, d’arcs et de flèches. Pendant la saison des pluies, où il faut faire preuve d’une efficacité accrue, elle se fait à l’aide de pièges ingénieux, de nasses et de cacures, sortes de paniers tressés placés à l’embouchure des chenaux et des retenues d’eau. La pêche au barbasco et autres plantes qui endorment les poissons est une activité festive à laquelle prennent part femmes et enfants.

La chasse à la lapa et à l’agouti est pratiquée à certaines époques de l’année. Les Puinave utilisent pour cela des sarbacanes munies d’un viseur fait d’une dent d’animal. Les dards sont empoisonnés au curare, soigneusement conservé dans des petits récipients en terre qui doivent être soustraits aux regards étrangers. Ils chassent aussi au fusil, d’où une dépendance accrue à l’égard des créoles auxquels ils achètent leurs munitions.

Nombre des activités de subsistance des Puinave sont régies par le principe de solidarité. Les excédents des produits de la chasse et de la pêche sont répartis équitablement pour satisfaire les besoins alimentaires du groupe. L’introduction d’activités économiques non traditionnelles a toutefois modifié ces principes d’entraide.

A ce processus a contribué le système d’« avances »  instauré par les négociants vivant de l’industrie extractive qui accordent aux indigènes des crédits sous forme de marchandises que ces derniers payent de leur travail. Ce système a pour effet de ruiner l’économie indigène, de rompre les relations d’échanges interethniques, de modifier la durée et le calendrier traditionnels de travail et d’encourager la surexploitation des hommes et des ressources naturelles.

L’apparence, la façon de se vêtir et la maîtrise de la langue espagnole des Puinave permettent de les confondre avec les créoles des Etats Apure, Bolivar ou Amazonas, régions de forte interaction culturelle entre créoles et indigènes. Tous les hommes, sans exception, portent chemise et pantalon et les femmes des robes en coton coloré.

Une grande partie des objets à usage ménager sont aussi d’origine créole. Le hamac est probablement l’ustensile le plus important. Il est tissé avec des fibres de moriche ou de cumare sur des métiers rudimentaires où sont aussi confectionnées les bandes tissées servant au transport des enfants.

Bien que la poterie traditionnelle ait été presque totalement remplacée par des récipients en plastique ou en aluminium, il est toutefois possible de trouver quelques marmites anciennes en terre cuite joliment décorées de motifs anthropomorphiques et zoomorphiques. Les Puinave sculptent aussi des bancs ou tabourets en bois destinés à la vente.

Références

G. Triana, "Efectos del contacto en la adaptación y patrones de subsistencia tradicionales:
los Puinave del Inírida", Boletín de Antropología 5, Medellín, 1983.

Otto Zerries, "Algunas Noticias Etnológicas Acerca de los Indígenas Puinave", Boletín Indigenista Venezolano, 9 (1 - 4), Caracas, 1964/65.

Theodor Koch-Grünberg, Del Roraima al Orinoco, Tomos I, II, III, Banco Central de Venezuela, Caracas, 1981.

  1. TSASE
Aux commencements du monde, Kúwai-Séiri, le Créateur, vivait dans la région des rapides de l’Ayarí avec son épouse et sa famille. Les Tsase pêchaient, cueillaient des fruits sauvages et chassaient. Kúwai-Séiri leur apprit l’agriculture et, surtout, la culture du manioc amer. Le Créateur enseigna aux Tsase comment  semer et transformer cet aliment sacré en cassave et en farine.                                                       

                                                                                                        Mythologie tsase



Les Tsase ou « gens du toucan » sont l’un des petits groupes de la région qui appartiennent à la culture arawak. Les Arawak furent naguère l’une des plus puissantes sociétés du continent.

Vivant dans une région située entre l’Amazonie et le delta de l’Orénoque, dans le Haut Rio Negro, ils contrôlaient la zone stratégique où s’unissent les deux grands systèmes fluviaux, centre du réseau d’échanges commerciaux reliant l’Amazonie, les plaines et les Andes, comme le signalent les premières chroniques. Des changements politiques et
culturels intervenus au sein de cette société ont donné naissance aux groupes arawak d’aujourd’hui : Warekena, Wakuénai, Bare et Baniwa.

L’adaptation à des écosystèmes différents a influé sur la formation de deux groupes bien différenciés au sein de l’ethnie tsase : les Tsase de la savane, appelés Manakuári, et ceux de la forêt, connus sous le nom d’Análima.

A l’heure actuelle, les Tsase vivent pour l’essentiel dans les plaines orientales de la Colombie. Il existe quelques villages dans l’Etat d’Amazonas au Venezuela, notamment ceux de Primavera, Laja Lisa, Morichal, Agua Blanca, Siquita-Ibucubáwa et Cataniapo. D’autres familles tsase se sont intégrées à la vie des populations de Puerto Ayacucho, San Fernando de Atabapo et Maroa.

La conquête et la colonisation ont peu à peu affaibli le commerce inter-ethnique qui a fini par disparaître. Les invasions incessantes, les replis et les déplacements des groupes ethniques de la région ont réduit le territoire tsase et modifié les modèles d’établissement traditionnels.

Le changement le plus important a été l’abandon des maisons communales. Les Tsase vivent actuellement dans des maisons à l’usage d’une seule famille, construites à la manière créole, rectangulaires, pourvues de portes mais non de fenêtres et d’un jardin familial où ils cultivent des produits destinés à leur consommation personnelle.

Certaines femmes savent encore filer le coton et tisser sur des métiers mais ces techniques sont tombées en désuétude en raison du processus d’assimilation à la société créole. Les Tsase s’habillent comme les créoles et il semblerait que l’une des causes de leur migration au Venezuela ait été la perspective de pouvoir y acheter des vêtements plus facilement.

Les Tsase continuent toutefois à pratiquer l’art traditionnel de la vannerie. Ils tressent des sebucanes, des manares et des guapas, utilisant pour cela des fibres très diverses : curagua, cucurito, tirite, chiquichique et cumare.

Les Tsase sont exogames et polygames dans certains cas. La première femme exerce une certaine autorité sur les autres ; les conflits entre épouses sont toutefois peu fréquents. Toutes vivent dans la même demeure et se répartissent les tâches en fonction de leur âge : la plus jeune se charge des travaux agricoles qui exigent le plus de force, la plus âgée s’occupe de la cuisine, des enfants et de la maison.

Dans ce type d’organisation sociale, le noyau familial est l’unité de base d’une structure plus ample, la famille élargie. Chacune de ces familles élargies possède un chef naturel qui exerce l’autorité, les femmes et les enfants étant  totalement soumis à celle du mari ou du père.

Les Tsase sont organisés en cinq grands groupes descendant des cinq frères mythiques dont l’ordre de naissance détermine la position hiérarchique. Les chefs se regroupent au sein d’un « conseil des anciens » qui reconnaît l’autorité d’un « capitaine » de la communauté ; ce peut être par exemple le fondateur du village ou le plus âgé des hommes, mais c’est dans tous les cas une personne dont le mérite et le prestige sont reconnus.

Références

Silvia Vidal, "Los Piapoco", Sistemas Ambientales Venezolanos, Vol. 1, Caracas, 1983.

Silvia Vidal, El modelo del proceso migratorio pre-hispánico de los Piapoco: hipótesis y evidencias, Caracas, 1989.

Johannes Wilbert, Indios de la región Orinoco Ventuari, Fundación la Salle de Ciencias Naturales, Caracas, 1966.

  1. WAKUENAI
A l’origine, toutes les semences du monde étaient enterrées dans un trou en territoire wakuénai. Iñapirrikuli le Créateur, en sortit tous les êtres, y compris les Indiens et les Blancs. Il montra les livres aux Indiens et leur demanda s’ils en voulaient. Ils lui répondirent que non. Alors il leur montra les flèches, les arcs, les canoës et les sarbacanes, et tout de suite ils acceptèrent. Quand il fit sortir les Blancs, il leur montra les livres, et ils acquiescèrent. Il sortit ainsi tous les êtres et leur demanda ce qu’ils voulaient. Il donna leurs couleurs et leurs chants aux animaux, et c’est ainsi qu’il créa le monde.

                                                                                                         Mythologie  wakuénai


Wakuénai veut dire « hommes qui parlent wakú », langue dérivant du tronc linguistique arawak. Le territoire tribal des Wakuénai est situé dans les régions amazoniennes du Venezuela, de la Colombie et du Brésil. En territoire vénézuélien, ils se regroupent dans le district du Casiquiare de l’Etat Amazonas et surtout sur les rives de l’Atabapo, du Guainia et de l’Orénoque.

Les Wakuénai ont perdu une grande partie de leurs techniques traditionnelles. Ils vivaient autrefois dans de grandes maisons communales, mais habitent de nos jours des maisons de type créole. Leur organisation sociale et la répartition du travail par sexe ont changé avec l’introduction de nouveaux besoins économiques et de nouveaux modes de subsistance. La vannerie était naguère réservée aux hommes. La demande commerciale émanant des créoles a entraîné l’incorporation des femmes ; elles produisent désormais une vannerie novatrice de type ornemental qui a contribué à enrichir les formes et les techniques traditionnelles. 

Comme celle d’autres ethnies de la région, l’économie wakuénai était fondée sur l’agriculture pratiquée selon la méthode de la taille et du brûlis. Les cultures débutaient pendant la courte période de sécheresse entre septembre et octobre, lorsque le niveau des rivières commençait à baisser. A cette époque, connue sous le nom de makwapidania, les hommes sélectionnaient et défrichaient les emplacements des nouveaux champs en fonction du calendrier mythique de Káali, créateur du manioc, qui signalait le moment propice pour commencer les travaux. Si la culture ne se faisait pas en accord avec les lois naturelles de Káali, le travail était difficile et peu productif. Quand le petit crapaud Molitú, fils mythique de Káali, commençait à chanter, son croassement indiquait aux Wakuénai que le moment était venu de tailler, planter et nettoyer les jardins.

La pêche demeure une activité importante et fondamentalement masculine. Les sarbacanes, les arcs, les flèches et les lances fabriqués à cette intention ont peu à peu laissé place aux hameçons métalliques, au fil de nylon, aux fusils et aux munitions achetés aux créoles.

Les Wakuénai utilisent encore le cacure, piège fait de lianes amarrées avec des cordons de fibres naturelles, qui est placé près de la berge des rivières et des chenaux. Pour la pêche à grande échelle, ils associent le cacure au barbasco, une substance qui endort les poissons. Les excédents sont salés ou fumés et vendus ou échangés localement.

La chasse est généralement une activité individuelle et masculine qui exige de l’astuce, du silence et une grande maîtrise du corps. Le chasseur dissimulé dans le feuillage s’efforce d’imiter le cri de l’animal qu’il veut attirer et attend patiemment, immobile, supportant l’inclémence du climat, les piqûres et le bourdonnement des insectes.

Les femmes sont chargées du traitement des aliments. Elles doivent aussi transporter, peler, râper et presser le manioc amer, ramasser du bois pour le foyer, allumer le feu et griller, sur d’énormes plaques ou budares, les galettes de manioc connues sous le nom de cassave.

La cueillette et la vente du chiquichique, qui se sont substituées à l’agriculture, constituent aujourd’hui le principal moyen de subsistance des Wakuénai. La récolte des fibres est un travail simple qui exige néanmoins une certaine continuité. Elle nuit parfois à l’activité agricole car pour être rentable elle requiert l’accumulation de quantités considérables de matériaux. Pour travailler comme chiquichiquero, il faut posséder un canoë de grande taille et un moteur hors-bord.

Les Wakuénai survivent également grâce à la fabrication et à la vente de paniers, de sebucanes, de nattes et de chapeaux du type créole outre la cueillette du chiquichique. Avec la fibre de ce dernier, ils tressent des balais de toute beauté utilisés pour répartir la farine de manioc amer sur le budare lors de l’élaboration de la cassave et du mañoco.

Le cycle cérémoniel auxquels les Wakuénai attachaient le plus d’importance autrefois était le pudáli. Il était célébré au début de la saison des pluies et marquait le commencement des activités de subsistance. Il ouvrait aussi un espace symbolique pour le règlement des conflits entre les membres de la famille.

La cérémonie débutait avec la visite qu’un groupe de parents rendait à un autre pour lui offrir un cadeau rituel : du poisson fumé. L’organisateur du pudáli se rendait dans le village hôte accompagné de toute sa famille et de musiciens, chanteurs et danseurs. A la tombée de la nuit, après de longs discours célébrant le don du poisson fumé, celui-ci était accepté et placé dans la maison de l’hôte pour être distribué le lendemain. Pendant la nuit, les Wakuénai buvaient en grande quantité une boisson à base de manioc fermenté appelée padzáoru. Les couples exécutaient la danse rituelle, qui pouvait durer quatre jours et quatre nuits, à la lueur d’un grand feu central tandis que sonnaient les trompettes kulírrima.

Pour clore la fête du pudali, quelques semaines plus tard, de grandes quantités de pulpe de manioc étaient préparées à l’intention des invités. Les rites de la cérémonie se répétaient à cette occasion : danses autour de la nourriture et de la boisson, danses autour du feu durant plusieurs nuits au son des instruments sacrés et distribution de nourriture ; mais le rôle d’hôtesse et l’organisation du pudali incombaient cette fois à une femme qui était chargée des discours et de l’acceptation des offrandes.

De nos jours, seules quelques personnes âgées évoquent avec nostalgie ces cérémonies.  Cependant, dans le bas Guainia, les Wakuénai célèbrent avec les Baniwa et les Warekena, autres groupes d’ascendance arawak avec lesquels ils partagent certains travaux, un rite collectif appelé madzéru à base de musiques et de danses qui ressuscite les anciennes traditions et s’inscrit dans un processus de consolidation culturelle et d’adaptation aux circonstances historiques.

Références

L. Domínguez, "Etnología de los Curripaco: una visión general", Revista Montalbán, Universidad Católica Andrés Bello Caracas, 1986.

Jonathan D. Hill, Wakuénai Society, Indiana University Press, 1983.

Jonathan D. Hill, "Wakuénai Ceremonial Exchange in the Venezuelan Northwest Amazon",  Journal of Latin American Lore 13, 1987, pp. 183 - 224.


  1. WAREKENA

Les hommes-abeilles et les hommes-oiseaux se disputaient la domination du monde. Kuwai, le Créateur, vint au royaume des hommes pour mettre de l’ordre dans le chaos. Il étendit les territoires et amena la lumière. Kuwai apprit aux Warekena et à leurs parents tout ce qui concerne les aliments, la musique, la technologie, la religion et les coutumes qui différencient les sexes.

Mythologie warekena

Warekena signifie « petit-fils de l’agouti », animal sacré dont les membres de cette ethnie estiment être les descendants. Les Warekena proviennent d’un groupe social plus étendu composé des Tariana, des Bare, des Tsase et des Wakuénai, ce dont témoigne l’extraordinaire similitude linguistique et culturelle qu’ils conservent avec ces peuples qui ont un tronc linguistique commun, l’arawak.

La facilité des Warekena pour apprendre des langues autres que celles du groupe arawak en est aussi la preuve. Ils maîtrisent en général l’espagnol, le portugais et le yeral, un dialecte de la région mêlant espagnol, portugais et diverses langues indigènes du groupe arawak, outre trois ou quatre langues indigènes. La langue warekena est pratiquement éteinte de nos jours et les Warekena ont adopté celle des Baniwa, groupe avec lequel ils partagent de nombreux traits culturels.

La population warekena vit essentiellement dans la communauté de Wayanapi ou Guzmán Blanco, sur les rives du Guainia-Rio Negro et sur le caño San Miguel ou Itini-Wini. De nombreuses familles ont cependant émigré vers l’Orénoque, l’Atabapo et Puerto Ayacucho, à la suite du processus de colonisation et de l’exploitation du caoutchouc de 1913 à 1948.

Une longue histoire de contacts avec les travailleurs du caoutchouc, les esclavagistes, les commerçants et les colons en général a produit des ravages dans leur culture. Parmi les Warekena capturés comme esclaves et contraints de travailler à l’exploitation du caoutchouc se trouvaient de nombreux chamans dépositaires des secrets de leur culture qui en mourant ont emporté avec eux la mémoire de leurs pratiques et de leurs cérémonies sacrées.

A l’heure actuelle, les Warekena de la région du Guainia font appel aux chamans de leurs voisins, les Wakuénai, ce qui a permis la renaissance de leurs rituels et de leurs cérémonies. Ils ont recommencé depuis peu à célébrer les rites d’initiation des jeunes Warekena, reprenant pour cela les enseignements de Nápiruli. Selon leurs croyances, celui-ci leur a transmis l’essence de l’être warekena et leur a enseigné les techniques, les dessins et les couleurs de la vannerie et de la poterie.

La tradition veut que l’argile utilisée pour la confection des marmites et des récipients ait été déposée dans les fleuves par leur héros culturel, Mjupe Numana. La poterie warekena reste intimement liée aux croyances magiques et religieuses qui régissent sa fabrication.

Elle est basée sur la technique de l’enroulement et du polissage. Une fois cuites, les pièces sont décorées à l’aide d’une bouillie d’argile mélangée à des résines végétales qui les imperméabilisent.

La poterie warekena, comme celle d’autres groupes de la région, commence malheureusement à disparaître, et laisse place aux marmites et autres ustensiles en plastique et en aluminium.

De la vannerie traditionnelle subsistent les objets utilitaires qu’ils continuent à tresser tels que guapas et manares utilisés pour le traitement du manioc amer. Ils continuent aussi à fabriquer des  paniers destinés au transport.

Avec la fibre du chiquichique ils confectionnent des balais employés pour les tâches ménagères et d’autres, de plus petite taille, qui servent à répartir la farine de manioc sur la plaque du budare pendant le processus d’élaboration de la cassave et du mañoco.

L’extraction du chiquichique a modifié l’économie d’autosubsistance des Warekena dont la dépendance à l’égard des commerçants créoles qui ont instauré le travail salarié dans la région n’a cessé de croître.

Nombre de transactions se font en outre selon un système d’ « avances ». Les indigènes livrent la fibre aux commerçants et aux boutiquiers qui, en échange, leur « avancent » des produits industriels : moteurs hors-bord, toiles, aliments en conserve, hameçons, munitions, sucre, café, sel, lait en poudre, eau de vie et savon. Ces biens sont inscrits sur un compte sans fin que les indigènes ne parviennent jamais à régler et qui les endette pour le restant de leurs jours.

Pour couvrir leurs besoins de subsistance immédiate, ils se consacrent, pendant le peu de temps libre que leur laisse l’activité extractive, à une agriculture basée sur le système de la  taille et du brûlis. Les jardins warekena, semblables à ceux d’autres groupes ethniques de la région, sont situés aux environs du caño San Miguel.

Pendant la saison sèche, les Warekena se consacrent à la pêche, utilisant des pièges portant le nom de cacures et des filets tissés qu’ils confectionnent eux-mêmes avec de la fibre de cumare. Ce sont aussi de bons navigateurs et ils fabriquent des canoës, bien qu’ils soient moins renommés à cet égard que les Ye’kuana.

Références :

Natalia Díaz Peña, Aproximaciones a la estética primitiva en la etnia Warekena, IDEA, Caracas, 1995.

Omar González Ñáñez, Mitología Guarequena, Monte Avila Editores, Caracas, 1980.

11.  YANOMAMI
La lune vivait dans le corps d’un grand chaman. Quand celui-ci mourut, elle partit errer dans le ciel, mais revint sur terre pour manger les cendres de ses os. Quand les parents du chaman la virent, ils lui lancèrent des flèches, mais les flèches retombèrent au sol sans lui faire de mal. La lune les évitait en se cachant derrière les nuages. Finalement une flèche l’atteignit et elle commença à perdre son sang qui tomba sur la terre. De ces gouttes de sang naquirent les Yanomami.

Mythologie yanomami

De toutes les ethnies de l’Amazonie vénézuélienne, les Yanomami sont sans aucun doute l’une des plus étudiées. Yanomami signifie « homme », « personne » ou « espèce ». Qui n’est pas Yanomami est nape, c’est à dire « étranger », « personne dont il faut se méfier », « individu dangereux ».

Dès 1758, on connaissait la présence de Yanomami dans la Sierra Parima et le Haut Orénoque. Au moment des premiers contacts avec les Européens, ils se trouvaient en pleine  phase de croissance démographique et d’expansion géographique, ce qui les avait induits à explorer de nouveaux territoires sur les rives de l’Orénoque, du Padamo et du Mavaca. Mais dans les régions situées au nord et à l’ouest de leur territoire, les Yanomami se heurtèrent aux Ye’kuana qui parvirent à stopper leur avance.

Les Yanomami du Venezuela vivent entre la Sierra Parima et l’Orénoque, en particulier dans les bassins de l’Ocamo, du Manaviche et du Mavaca. D’autres groupes de cette ethnie vivent aussi dans les régions frontalières du Brésil.

La pratique de l’agriculture dans les champs ou conucos semble être ancienne chez les Yanomami, bien que l’on ne sache pas avec certitude quand elle a débuté. Les premiers voyageurs qui arrivèrent dans la région s’entêtèrent à les décrire comme vivant de la chasse et de la cueillette, mais cela était peut être dû à la vision quelque peu romantique d’un peuple lointain et inconnu.

L’agriculture est un travail essentiellement masculin, et plus encore le défrichage, la taille des arbres et le brûlis. Les semailles et la récolte sont des activités réalisées par les deux sexes, de même que la cueillette. Les hommes montent aux arbres pour recueillir les fruits, les insectes ou autres aliments, pendant que les femmes rassemblent et chargent le produit de la récolte.

Dans leurs champs, les Yanomami cultivent une grande variété de bananes et de plantains, du manioc doux et amer et d’autres tubercules. Leur échanges avec les Ye’kuana leur permettent de se procurer des sebucanes et des râpes pour traiter le manioc amer. Ils sèment aussi toute une série de plantes utilisées comme colorants ou hallucinogènes ou servant aux rituels.

La chasse et la pêche sont des activités essentiellement masculines bien que les femmes y prennent parfois part. Les Yanomami distinguent deux types de chasse : l’une, appelée rami, couvre leurs besoins quotidiens en viande ; l’autre, désignée sous le nom de heniyomou,  à laquelle prennent part tous les hommes de la communauté, est organisée dans le cadre de la préparation d’une cérémonie importante ou de l’accueil d’hôtes particuliers.

Lorsqu’il s’agit de funérailles, la chasse rituelle du heniyomou débute pendant les premières heures de la nuit par une série de chants simples et poétiques appelés heri et de danses exécutées par les adolescents des deux sexes. Le rite se poursuit pendant plusieurs nuits. Les jeunes gens improvisent leurs chants au milieu d’une joie débordante où se mêlent rires et plaisanteries obscènes.

La célébration du rite mortuaire du reahu comporte généralement, quoique non nécessairement, la consommation collective des cendres des défunts, pulvérisées au préalable dans un mortier funéraire. Pendant que les femmes pleurent, les hommes, parents et amis du mort, forment un cercle et se disposent à ingérer la soupe de bananes à laquelle les cendres ont été mêlées. Si le défunt a été assassiné par un ennemi, les hommes crient  vengeance.

La consommation rituelle de tabac et de yopo est fréquente lors des cérémonies. C’est un moyen d’entrer en contact avec le monde surnaturel, de soigner les maladies et de transmettre la mémoire collective.

Les Yanomami vivent nus. Les hommes s’attachent le prépuce à l’aide d’une cordelette de coton qui entoure la taille et maintient le pénis en position verticale et en contact avec le ventre. Les jeunes gens utilisent des cache-sexe en coton, plus à titre d’ornement que de vêtement.

Hommes et femmes se coupent les cheveux, qu’ils ont noirs et raides, arborant une coupe arrondie entourant une zone tonsurée. Ils se peignent le corps avec divers colorants. Le rouge est en général extrait du rocou, le violet d’un mélange de rocou et d’une résine appelée caraña.

Pour les expéditions guerrières, les hommes se peignent au noir de fumée, couleur qui symbolise la nuit et la mort. Quand une femme est en deuil, elle renonce à la couleur rouge et s’applique de la peinture noire sur les pommettes pendant un an. Pour certaines fêtes, elles s’enduisent le corps d’argile blanche.

Les hommes s’ornent de bracelets multicolores confectionnés avec des plumes d’oiseaux tels que le toucan, le pauji, l’épervier et le perroquet. Ils se percent le lobe des oreilles où ils introduisent des morceaux de roseaux, des plumes et des fleurs. Ils se perforent aussi la cloison nasale et la commissure des lèvres pour y placer de fines tiges de bambous.

Les ornements féminins sont plus subtils, faits de pousses de palmiers, de fleurs ou de feuilles parfumées qu’elles placent dans des cylindres végétaux introduits dans les trous des oreilles.

Les Yanomami tissent le coton dont l’usage reste élémentaire. Les hamacs de coton sont confectionnés sur des châssis rudimentaires constitués de poteaux enfoncés dans le sol. Pendant leurs voyages en forêt, ils fabriquent avec la fibre écorcée d’une liane appelée mamure des hamacs ou marakami-toki qui ensuite ne sont plus utilisés.

La vannerie est réalisée par les femmes, qui tressent des guaturas, des guapas et des manares à l’aide de la liane mamure qu’elles écorcent. La trame de la guatura, le panier le plus utilisé pour le transport, est en général très finement tressée.

Bien que dans la culture yanomami la poterie eût été naguère une activité importante, elle a presque totalement disparu. Seules quelques rares communautés fabriquent encore la  hapoka, marmite typique d’argile blanche en forme de cloche dépourvue de pieds ou d’anse et de tout type de décoration.

Références

Luis Cocco, Iyeweiteri: Quince años entre los Yanomamis, Don Bosco, Caracas, 1972.

Napoleon A. Chagnon, Yanomami, The Fierce People, (3 e édition), Holt, Rinehart and Winston, New York, 1983.
Jacques Lizot, El círculo de los fuegos: vida y costumbres de los indios Yanomami (traduction espagnole), Monte Avila Editores, Caracas, 1978.

Johannes Wilbert, Folk Literature of the Yanomami Indians, Los Angeles, 1990.

  1. YE’KUANA

Autrefois les hommes ne connaissaient pas le feu. Une femme appelée Kawao en était la maîtresse. Kawao cachait le feu dans son estomac et ne le montrait à personne, pas même à son époux. Quand elle était seule, elle se métamorphosait en grenouille, ouvrait la bouche et crachait le feu sous les marmites. Le repas était toujours prêt quand son mari revenait. Il lui demandait : « Comment as-tu fait ? », et elle répondait : « J’ai mis la nourriture au soleil ». Elle lui mentait et il la croyait. Mais elle ne savait pas que quand il sortait, il se transformait en jaguar.

Mythologie ye’kuana


Connu aussi sous le nom de Maquiritare, De’cuana, Mainongkong ou Mayongong, ce peuple s’attribue le nom de Ye’kuana, qui signifie "gens de la pirogue", de ye, “bois”, cu, “eau”, et ana, “gens”.

Leurs talents de navigateurs ont permis aux Ye’kuana de s’établir dans une vaste contrée le long des fleuves. Ils vivent sur les rives d’une série d’affluents de l’Orénoque sur un territoire d’environ 30.000 kilomètres carrés dans les Etats Bolivar et Amazonas.

Le contact des Ye’kuana avec les Européens dans le Haut Orénoque, à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle, s’est produit relativement tard dans l’histoire de la conquête de l’Amérique espagnole. L’exploration scientifique a débuté en même temps que la colonisation et les premières informations dont nous disposons sur les Ye’kuana proviennent directement ou indirectement de ces premiers contacts colonisateurs et scientifiques.

La culture matérielle des Ye’kuana est étroitement liée au sacré. Les ustensiles qu’ils utilisent pour la navigation, la chasse et la pêche, l’agriculture ou les rituels reflètent aussi leur complexe organisation sociale. Outre son caractère pratique, la construction de la maison communale ou atta revêt une signification sacrée. La construction de l’atta était autrefois une activité rituelle que les familles ye’kuana élargies célébraient avec force nourriture, boisson et musique. Les atta sont de forme circulaire et ont un toit conique :  vues de loin, elles ressemblent à de grandes corbeilles couvertes de palmes tressées.

L’espace de l’atta est étroitement lié à la structure du cosmos. Il relie la terre au monde supérieur et au monde inférieur. Edifier une atta équivaut à recréer symboliquement la grande maison cosmique produite par Wanadi, le Créateur.

Chaque élément de la construction représente un élément du cosmos : le pilier central est  l’arbre de la vie qui unit les trois mondes, les poutres soutenant le toit sont « stellaires » et la fourche qui les maintient, orientée du nord au sud, porte le nom de « voie lactée ».

Le bois utilisé est celui du dahaak, l’arbre sacré, et chaque atta dispose d’un espace central et d’une porte ouvrant à l’est. Autrefois, une cérémonie dont seuls les plus anciens conservent aujourd’hui le souvenir était organisée au lever du jour, accompagnée de danses et de la musique des trompettes sacrées, en vertu de la croyance selon laquelle chaque nouveau jour était un triomphe de la divinité du soleil.

Les Ye’kuana sont d’excellents vanniers. Les guapa sont des corbeilles qui, tout comme l’atta, sont confectionnées en partant du centre vers la périphérie. Les dessins varient selon chaque artisan mais se caractérisent toujours par une géométrie complexe. Certains représentent des animaux tels que le singe, l’agouti, le pécari ou la grenouille qui sont des personnages mythiques.

Les Ye’kuana commercialisent leurs corbeilles depuis le XVIIIème siècle. De nos jours ils vendent et distribuent directement leurs produits. La vannerie est en général une activité masculine mais les femmes ye’kuana ont fait des wuwa - paniers dont la forme évoque celle d’un sablier, utilisés pour le transport et dont traditionnellement le tressage leur incombait - des objets artisanaux d’une grande qualité esthétique fabriqués à des fins commerciales.

Outre celles qu’ils fabriquent pour la vente, les Ye’kuana utilisent divers types de corbeilles pour la préparation et la consommation du manioc amer, élément de base de leur alimentation. Les femmes transportent le manioc provenant des champs dans des catumares. La pulpe est râpée puis pressée dans un sebucán afin d’en extraire le liquide vénéneux. La farine est ensuite tamisée dans un manare avant d’être placée sur le feu. 

Parmi les pièces de vannerie figurent aussi des étuis appelés petacas, des éventails pour attiser le feu ou retourner les galettes de cassave, des nasses pour attraper les poissons.

Les hommes s’initient au tressage dès l’enfance en observant leur aînés. Ils apprennent d’abord à reconnaître les matériaux utilisés puis à préparer les teintures. Ils tressent leurs premières corbeilles en guise de jeu mais sous la surveillance des adultes. Ils apprendront tout au long de leur vie les techniques et les dessins exigeant  davantage d’expérience.

Les fibres utilisées pour la vannerie ne sont pas toutes obtenues sur place. Elles sont choisies en fonction de l’usage à laquelle chaque pièce est destinée. Le sebucán, par exemple, est constitué de fibres suffisamment résistantes pour supporter le poids de la pulpe de manioc amer et permettre de l’exprimer.

La râpe est un autre objet lié à la préparation du manioc amer. Son mode de fabrication traditionnel exige un long processus : il s’agit d’insérer des petits fragments de pierres pointues dessinant une figure géométrique complexe dans une planche préparée à cet effet. Les fragments sont fixés sur la surface du bois à l’aide d’une résine noire appelée paramán et les extrémités de la planche décorées de dessins rouges et noirs.

Les râpes ye’kuana étaient autrefois des marchandises de grande valeur distribuées dans toute la région. La technique en est aujourd’hui plus rudimentaire, les éclats de pierres étant parfois remplacés par du fer-blanc.

Les Ye’kuana ont une alimentation variée. Le manioc constitue leur principal aliment ; ils capturent aussi des oiseaux comme le toucan et le pauji dont ils utilisent les plumes comme ornements. Ils chassent une grande variété de mammifères et de poissons à l’arc et à la flèche ainsi qu’à l’aide du barbasco, une plante narcotique qui endort les poissons. Ils cueillent des fruits et plantes très divers et recueillent du miel et des larves d’insectes qu’ils mangent crues ou cuites.
.
Le travail est réparti selon le sexe. Aux hommes incombe tout ce qui relève du monde sacré, ainsi que la chasse, la pêche, le défrichage des champs, la construction des canoës et des maisons, la vannerie et la fabrication des objets cérémoniels. Les femmes jouent un rôle économique et symbolique important. Associées à la fertilité,  elles réalisent un dur travail physique : elles se chargent des semailles, de toutes les tâches d’entretien des champs et du transport des produits de la récolte dans de grands paniers.

Le sens esthétique des Ye’kuana, présent tous les aspects de la vie, se manifeste aussi dans leur souci d’ornement corporel et le soin apporté à leur chevelure. Autrefois, hommes et femmes s’épilaient les sourcils, les cils, les aisselles et la barbe à l’aide de couteaux en bambou. Ils s’ornaient les lobes des oreilles d’anneaux en métal et de grandes pièces de bambou décorées de plumes.

L’ansa, pièce de bois sculpté représentant une chauve-souris sacrée à laquelle sont fixés des toucans empaillés, est un important ornement masculin. Il se porte sur le dos en même temps qu’un collier de dents de pécari. Parmi les objets rituels figurent aussi les bancs, les maracas et les bâtons à sonnailles des chamans. Ces objets qui naguère symbolisaient le pouvoir sont aujourd’hui fabriqués à des fins commerciales.

Pour le rite d’initiation marquant le passage des fillettes à l’adolescence, les femmes confectionnent le muwaaju, un cache-sexe tissé avec des fils de coton et des perles en verre rouges, bleues et blanches. Elles tissent aussi, sur des métiers rudimentaires ou une simple structure en bois, des hamacs et des guanapes, bandes de coton utilisées pour porter les jeunes enfants.


La fabrication des canoës revêt une importance vitale pour les Ye’kuana dont l’identité et le mode de vie sont étroitement liés aux fleuves. Les canoës sont faits de troncs d’arbres gigantesques. L’arbre, sélectionné au préalable, est abattu et son tronc évidé jusqu’à ce qu’il acquière sa forme ovale caractéristique. La partie extérieure est alors lissée et polie à la hache et à la machette jusqu’à ce que la coque soit parfaitement lisse et uniforme.

Pour élargir l’intérieur du canoë, on dilate le bois à la chaleur. C’est un processus lent et minutieux qui consiste à brûler de petits segments du tronc dans lequel sont encastrées des pièces de bois qui évitent qu’il ne se resserre en refroidissant. Les bancs faits de planches sont ensuite placés dans le canoë qui est alors prêt à naviguer sur le fleuve. Les rames sont taillées dans un bois dur et parfois décorées de dessins rouges et noirs.

Lorsqu’ils ne sont plus utilisés comme embarcations, les canoës servent pour entreposer la pulpe fraîche du manioc râpé, laver les vêtements ou conserver les boissons fermentées consommées à l’occasion des fêtes et des rituels. Ils retournent peu à peu à la nature, complétant ainsi leur cycle de vie.

Références

Daniel de Barandiarán, "Actividades vitales de subsistencia de los Indios Yekuana o
Makiritare", Antropológica 11, Caracas, 1962, pp. 1-29.

Daniel de Barandiarán, "El Habitado entre los Indios Yekuana", Antropológica 16, pp. 1 - 95.

Marc de Civrieux, Watuna: Mitología makiritare, (2ª edición), Monte Avila Editores, Caracas, 1992.

David M. Guss, Tejer y Cantar (traduction espagnole), Monte Avila Editores, Caracas, 1994.

Les cultures de l’Orénoque entre passé et présent


Les dernières années du XXème  siècle se sont caractérisées par le désir de comprendre les sociétés autochtones et d’en apprécier les valeurs. Ce phénomène fait partie d’un tout et en particulier du nouveau regard que le monde contemporain pose sur lui-même. La connaissance d’une dimension inattendue du savoir indigène, autrefois qualifié de pensée sauvage, a joué un rôle très important dans ce changement de paradigme. Les anciens stéréotypes de l’indien « primitif » ont fait place à une nouvelle perception de ces peuples que leur lien étroit avec la nature n’a nullement empêchés d’élaborer des systèmes abstraits de pensée qui allient une dimension philosophique de l’existence à une attitude pragmatique non exempte de spiritualité.

De nombreuses polémiques ont surgi quant au rôle joué par les anciens habitants des basses  terres dans le processus culturel de cette partie du continent. Nous savons désormais que les peuples de la région de l’Orénoque et de l’Amazonie vénézuélienne ont développé un mode de vie qui eut à s’adapter à la disposition de terres qui n’étaient pas toujours des plus fertiles et à l’utilisation des sols inter-fluviaux pour la culture du manioc amer, une racine abondante et riche en hydrates de carbone ; ceci permit une stabilité accrue des villages dont les habitants compensèrent les carences protéiniques du manioc par l’invention de techniques efficaces de chasse et de pêche basées sur l’utilisation d’arcs et de flèches, de sarbacanes, de pièges et de poisons.

Le temps et l’ingéniosité aidant, une technique « sophistiquée » de traitement du manioc amer fut mise au point, permettant la production de cassave et de farine de manioc faciles à  entreposer et de longue conservation. Jointe à une connaissance approfondie des techniques de navigation fluviale, elle a rendu possible la réalisation de longs voyages pour les  échanges commerciaux ou les campagnes de guerre, ce qui a permis aux indigènes de se déplacer sur leur vaste territoire au sein d’un milieu difficile.

Bien que la pénétration européenne remonte aux XVIème et XVIIème siècles, la région a toujours été considérée comme une zone périphérique éloignée de toute civilisation, un lieu extrêmement dangereux quoique doté d’immenses ressources naturelles. L’or, le quinquina, le caoutchouc, les fibres, les bois, les peaux, les oiseaux et les poissons exotiques firent de la forêt une sorte de « no man’s land », source naturelle et collective d’extraction de ressources. L’équilibre que les indigènes maintenaient avec leur milieu jusqu’à une époque relativement récente a convaincu la communauté scientifique internationale que les habitants de la forêt avaient beaucoup à enseigner au monde moderne en matière de gestion de l’environnement, vu la destruction incessante du fragile écosystème de la forêt tropicale qui menace l’équilibre écologique mondial. Leur appréciation, très différente de celle des écologues modernes, tenait compte de détails d’une grande subtilité tels que l’odeur de la terre et des bois, les couleurs singulières des oiseaux, le bleu des ailes d’énormes papillons, l’urine dont les félins marquent leur territoire, le parcours des fourmis ou les différences de température et de transparence des eaux. Ces catégories constituaient une « science naturelle » qu’ils appliquaient avec discernement à leur médecine traditionnelle, au contrôle biologique des fléaux et à de nombreux autres aspects de l’existence, ce qui leur a permis d’ébaucher les stratégies indispensables à leur survie dans des milieux extrêmement rudes.

Si de nombreux peuples de la région de l’Orénoque et de l’Amazonie vénézuélienne se sont aujourd’hui intégrés à la société nationale, d’autres ont été diversement affectés par le contact avec la population créole. Certains ont abandonné de multiples éléments de leur patrimoine culturel, tandis que d’autres ont su maintenir certaines formes d’identité en développant des stratégies et des moyens d’adaptation au système socioéconomique qui leur permettent de prendre part à l’économie des échanges en maintenant des relations relativement satisfaisantes avec les créoles.

Ceci est évident au sein de communautés dotées d’un sens de l’identité ethnique bien enraciné qui leur a permis de s’intégrer à un monde multiculturel tout en conservant leurs traditions, leur cosmologie, leur mythologie, leurs connaissances écologiques, leurs ornements et les objets associés au pouvoir ; c’est le cas des Ye’kuana, des E’ñepa (Panare), des Wakuenai (Curripaco) ou des Hiwi (Guahibo), qui, tout en continuant à fabriquer des objets de consommation traditionnelle, ont développé un artisanat de haute qualité destiné à la vente. Ceci leur permet d’accroître leurs ressources et d’acquérir une relative indépendance économique.

Malheureusement, cette conversion des objets en pièces d’artisanat les a peu à peu éloignés de leur complexe système symbolique qui dictait les normes régissant cueillette,  préparation des matières premières, dessins, techniques de fabrication et coutumes, et qui   reliait le passé au présent dans la mesure où en chacun des objets se résumait le temps des ancêtres.

Le haut sens esthétique dont témoignaient les éléments décoratifs et qui dans certains cas s’est conservé, répondait aux formes du discours mythologique qui s’exprimait dans les dessins stylisés représentant une faune sacrée : singes, grenouilles, anacondas et autres êtres des mythes de la Création. Ce substrat conférait une origine sacrée à chaque objet, usage ou coutume, car la culture a été enseignée aux hommes dès les premiers temps par le Créateur, qu’il porte le nom de Wanadi, Iñapirrikúli ou Nápiruli. Derrière chaque objet se déployait ainsi une gamme de symboles imbriquant tous les aspects de la vie sacrée ou profane.

Une approche attentive des objets de la culture matérielle indigène présentés dans le cadre de cette exposition, dont certains sont déjà tombés en désuétude, permettra d’y voir la métaphore d’une nature modifiée ; en effet, s’il est vrai que l’attitude des indigènes envers leurs propres créations a changé, elle diffère encore beaucoup de la vision occidentale. Nous espérons que cette exposition permettra de mieux saisir la diversité ethnique et culturelle des peuples du bassin de l’Orénoque et de l’Amazonie vénézuélienne à un moment où les sociétés les plus vulnérables de la planète doivent faire face à des alternatives et des conflits liés à leur propre identité ainsi qu’à tous les choix qu’impose l’époque actuelle.


EXPLORATEURS FRANÇAIS ET DECOUVERTE DES SOURCES DE L’ORENOQUE



EUGÈNE THIRION-MONTAUBAN


Vers 1840 s’établit à Angostura (Ciudad Bolívar) un entreprenant commerçant français qui, un an plus tard, épousa l’une fille des filles du gouverneur, Juan Batista Dalla-Costa, et fut par la suite nommé consul du Venezuela en France, son pays d’origine. Il s’agit d’Eugène Thirrion-Montauban (c. 1813-1879), qui de février à mai 1846 entreprit un voyage sur l’Orénoque à des fins commerciales au cours duquel il recueillit des échantillons minéralogiques, des spécimens de flore et de faune et des objets artisanaux qu’il thésaurisait comme des pièces de musée et qui furent par la suite présentés à l’exposition universelle de 1867 ; ceci lui valut d’être admis, l’année suivante, à la Société des Sciences physiques et naturelles de Caracas en qualité de membre correspondant en France.

Dans son journal  Viaje por el Orinoco de Angostura a Río Negro. República de Venezuela. Frontera con el Brasil. 1846 (Caracas, 1968), dont le texte original est en français, il dépeint les conditions de vie des peuples qu’il a rencontrés dont certains, comme les Ature et les Maipure, ont disparu, ainsi que ses aventures de chasse. Il décrit aussi certains aspects du fleuve : « Un raudal de l’Orénoque, ou rapide, est un endroit de la rivière entrecoupé à de très petits intervalles par des immensités de rochers plus ou moins élevés entre lesquels l’eau s’engouffre et descend avec une telle force qu’il faut un très grand vent pour les passer… Le raudal de Maipure  … le plus impétueux et violent de tous les rapides de l’Orénoque, contient et forme des cascades, tourbillons et jets immenses d’eau, et renferme, sur la rive gauche de la rivière principalement, une quantité immense de poissons de toutes les plus grandes diversités, ce qui attire, surtout quand la rivière est basse, c’est-à-dire en mars, une affluence considérable de gros oiseaux aquatiques ». Montauban remonta l’Orénoque jusqu’à San Fernando de Atabapo puis, passant par Yavita et le Guainia, il parvint à San Fernando de Río Negro et emprunta  le même itinéraire au retour. Il  savourait les risques et des dangers au point de déclarer : « C’est vraiment pittoresque et majestueux de se trouver au milieu d’une immense forêt vierge, habitée seulement par les bêtes féroces et quelques indigènes et si éloigné de tout pays civilisé ; tout en cheminant seul, le fusil sur l’épaule… »

AIME BONPLAND


Le 28 août 1773 naquit à La Rochelle (France) le premier des voyageurs français qui se soient rendus sur l’Orénoque et le plus remarquable : Aimé Jacques Alexandre Goujaud, connu sous le nom d’Aimé Bonpland que lui valut le commentaire de son père Goujaud lorsqu’on lui annonça sa naissance alors qu’il jardinait dans le parc de sa résidence : “Mon Dieu, voici une bonne plante”. Ce nom finit par s’imposer avec les années et fut adopté par la famille. Suivant la tradition de ses ancêtres, Bonpland entreprit des études de médecine en 1791 et obtint le grade de chirurgien de deuxième classe pendant son service dans la Marine. Il revint à Paris en 1795 pour compléter sa formation médicale, notamment en anatomie comparée, tout en poursuivant des études de botanique et de zoologie. A la faveur de son travail, il entra en relation avec d’éminentes personnalités telles que Lamarck, Jussieu, Desfontaines et le baron Alexandre de Humboldt, avec qui il décida d’entreprendre un voyage d’exploration et de recherche scientifique en Amérique du Sud : ce fut le “voyage américain” qui, entre 1799 et 1804, les mena au Venezuela, en Colombie, en Equateur, au Pérou, à Cuba, au Mexique, outre une courte visite aux Etats-Unis. Humboldt le relata ensuite dans son œuvre maîtresse, Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent : 1799-1804.

Ce parcours ouvrit les portes de l’Amérique latine au monde scientifique ; Bonpland se chargea de toute la partie botanique de l’expédition au cours de laquelle furent recueillies  6.300 plantes qu’il classa à son retour en Europe et dont la remise au Jardin des Plantes de Paris fut accompagnée d’un décret impérial daté du 13 mars 1805 qui reconnaissait les mérites de Bonpland et lui accordait une pension annuelle. Son intérêt pour la botanique lui valut la charge des jardins dont le soin lui fut confié par l’impératrice Joséphine ; il publia à ce sujet un ouvrage intitulé Description de plantes rares cultivées à Malmaison et Navarre (1813).

 Il ne partagea pas avec Humboldt le long processus éditorial auquel aboutirent les recherches menées pendant leur voyage, préférant lui-même retourner en Amérique. Il arriva à Buenos Aires le 2 février 1817 en compagnie de son épouse ; il y travailla comme professeur d’histoire naturelle puis, en 1821, comme professeur de médecine à l’Université de Buenos Aires. Il avait créé à Corrientes, sur la rive orientale du Parana, une exploitation agricole qui produisait du maté et du copahu. Le 8 décembre 1821, une troupe composée de 400 Paraguayens traversa le fleuve, incendia et détruisit la plantation et arrêta le botaniste sur l’ordre du dictateur du Paraguay, Gaspar Rodríguez de Francia, qui voyait en lui un concurrent commercial. Ce fut en vain que les gouvernements français, brésilien, argentin et anglais et Simon Bolivar lui-même, le libérateur du Venezuela, s’efforcèrent d’obtenir sa libération. Il se vit interdire ses activités de botaniste ; il ne pouvait exercer la médecine que sous surveillance constante et fut assigné à résidence dans la région de Santa María de la Fe au Paraguay.

Il fut remis en liberté dix ans plus tard, en 1831, mais se refusa à quitter les lieux, poursuivant ses recherches botaniques comme en témoigne une lettre adressée à l’astrophysicien Arago en 1848 : “On m’a proposé à plusieurs reprises d’acheter mon herbier, composé de plus de trois mille plantes et que je maintiens en bon état, ainsi que mes manuscrits, que j’ai envoyés à mes amis, mais j’ai refusé toutes les offres car mes travaux appartiennent à la France”.

Son épouse l’avait quitté en 1820 ; en 1842, à l’âge de 69 ans, il épousa une indienne qui lui donna deux fils et une fille. Le 25 décembre 1853, âgé de 80 ans, il écrivait à Humboldt : “Oh! Qu’il est douloureux de ne plus nous voir, après avoir vécu et travaillé ensemble pendant tant de longues années ! Comme nous évoquerions les premières impressions ressenties sous les tropiques !... J’ai encore en mémoire tout ce qui concerne notre voyage et pourrais le décrire avec la plus grande exactitude. Depuis que j’ai été contraint de quitter le Paraguay , je m’occupe de l’exercice de ma profession, de botanique et d’agriculture ...”

Il était constamment en contact avec le monde scientifique européen et recevait fréquemment les hommages d’institutions reconnues. Il remit une bonne part de ses manuscrits à l’abbé Gay, curé de San Borja (Brésil), qu’il avait choisi comme fondé de pouvoir. Une autre partie de ses œuvres et de son herbier resta à Corrientes où le gouvernement de cet Etat lui avait offert une maison et des terrains pour le remercier de son travail au musée provincial. Ses derniers matériaux de recherche, obtenus à Asunción, sont rassemblés dans son Journal botanique de 1857.

Bonpland occupe une place d’honneur dans l’histoire des recherches scientifiques au Venezuela pour avoir participé à l’expédition qui ouvrit la voie aux explorations de nombreux scientifiques venus de toutes les latitudes. Et dans ce voyage qui le mena en compagnie d’Humboldt dans l’est, le nord, le centre et le sud du Venezuela, son expédition sur l’Orénoque, que nul autre Européen n’avait parcouru sur une telle distance, revêt une importance particulière. Il mourut le 11 mai 1858, à l’âge de 85 ans, et fut enterré au Paso de Los Libres à Corrientes. Les centaines de manuscrits de cet explorateur scientifique et les derniers témoignages de ses travaux botaniques à Santa María de la Fe (Paraguay), Santa Ana (Uruguay), San Borja (Brésil) et Corrientes (Argentine), conservés à la Bibiliothèque nationale de Paris et à l’Université de Buenos Aires, font aujourd’hui l’objet d’une étude approfondie.



JULES NICHOLAS CREVAUX


Au cours de ses 35 ans à peine d’existence, Jules Nicholas Crevaux (1847-1882) déploya de  multiples activités qui le conduisirent, entre autre, à explorer les vastes étendues sauvages de l’Amérique du Sud où il recueillit de nombreuses informations sur la géographie, les caractéristiques naturelles et la vie des indigènes.

Sa formation de médecin-chirurgien et son expérience de la guerre franco-prussienne  lui permirent d’affronter avec succès le milieu hostile de l’Amazonie brésilienne et la forêt tropicale colombienne et vénézuélienne. En témoignent les innombrables et dangereuses aventures vécues au cours de ses expéditions, qu’il relate dans son livre Voyages en Amérique du Sud. La chance devait malheureusement l’abandonner dans les pays du Sud où avec ses 18 compagnons il connut une fin tragique le 27 avril 1882, lors d’une rencontre avec les Indiens Tobas, sur les rives du Pilcomayo, à la frontière entre l’Argentine et le Paraguay,

Les deux premiers voyages de ce médecin et explorateur français né à Lorquin le 1 mars 1847 le menèrent en Guyane française (1876-1877) et dans le bassin de l’Amazone (1878-1879). Il arriva en août 1880 à La Guaira pour se rendre ensuite en Colombie en passant par Puerto Cabello et Maracaïbo. Il s’enfonça sur le fleuve Magdalena, partant de Barranquilla, et après quatre mois de traversée au cours desquels il étudia ce pays frère, il navigua sur le Guaviare jusqu’à l’embouchure de l’Atabapo, à un pas de l’Orénoque. Le 14 décembre 1880 il débarqua à San Fernando de Atabapo, en territoire vénézuélien. Sur le fleuve qui donne son nom à cette localité il apprécia la couleur des eaux évoquant le vin rosé, si étudiées par la science et vantées par la littérature : « ..Ses eaux dans un verre sont d’une couleur un peu fumée. En grandes quantités, et par réflexion, totalement noires. Un objet blanc plongé à 30 cm de profondeur, acquiert une teinte dorée. A 80 cm, une couleur rouge orangé. »

Le 28 décembre il descendit l’Orénoque jusqu’au delta d’où il parvint à Trinidad et le 8 février 1881 il se rendit chez les Indiens warao : « … Un séjour de trois semaines chez les Guaraunos nous a permis de faire des portraits et des paysages, et de constituer une riche collection anthropologique ».

Au cours de son voyage sur l’Orénoque, il recueillit des vocables de onze langues indigènes :  piapoco, caouiri, bare, baniva, puinave, piaroa, yaruro, otomaco, guaraúno, guahibo, carinaca. Il analysa une série de numéros du journal de Caracas El Tiempo parus en 1887, où l’explorateur français Federico Montolieu, gouverneur du Territoire fédéral d’Amazonie, (Venezuela) publiait des glossaires incomplets des langues piaroa, puinave, baniva, yavitero et bare. Un travail conjoint de P. Sagot, Lucien Adam et Crevaux, donna naissance à l’ouvrage intitulé “Grammaires et vocabulaires Roucouyenne, Arrouague, Piapoco et d’autres langues de la région des Guyanes”, publié à Paris en 1882 par Maisonneuve & Cie. Il ne vécut pas assez longtemps pour voir publier à Paris en 1883 ses œuvres les plus importantes: Voyages en Amérique du Sud et Fleuves d’Amérique du Sud.

JEAN CHAFFANJON


Jean Chaffanjon (1854-1913, enseignant français originaire d’Arnas, est l’un des plus audacieux explorateurs européens qui se soit enfoncé dans les forêts inextricables de notre territoire amazonien.

Influencé par l’image de son oncle, le célèbre scientifique Claude Bernard, il s’intéressa à l’étude des sciences après avoir exercé pendant plusieurs années sa profession d’instituteur. Bernard parvint à le placer comme préparateur du cours d’anthropologie de la faculté des sciences de Lyon et aide naturaliste au musée de cette ville, où il séjourna jusqu’en 1882. A sa demande, le ministère français de l’Instruction publique le nomma professeur d’histoire naturelle au lycée Saint-Pierre de la Martinique. Au début de 1884, son épouse et son fils moururent de la fièvre jaune et il demanda sa mutation au gouvernement français. Le 24 mai de cette même année, le ministère français de l’Instruction publique le chargea d’ « …explorer le bassin de l’Orénoque et d’étudier la nature et l’anthropologie de la région, jusqu’à ce qu’il parvienne aux sources du grand fleuve ».

En 1885, avec l’appui total du président du Venezuela, Joaquín Crespo, il fit un premier voyage dans le haut Caura et jusqu’au Meta en passant par l’Orénoque. Fort de cette expérience, il se disposa à atteindre les sources de l’Orénoque en 1886.

Après mille difficultés, il parvint, sur le haut Orénoque, à un point qu’il considéra, à tort, comme la naissance du fleuve : «  Ces solitudes, qu’aucun européen n’avait encore visitées, voient, pour la première fois, flotter le drapeau français, non en conquérant, mais en pionnier du progrès et de la civilisation… J’ai atteint le but que je m’étais proposé ; mon voyage depuis Bolivar a duré sept mois et demi ; j’ai quitté San Fernando depuis quarante-sept jours, dont les dix-huit derniers ont été employés à explorer une région tout à fait neuve pour la géographie. »

Le père salésien Luis Cocco, qui a résidé dans le haut Orénoque pendant de nombreuses années, a recueilli les témoignages d’indigènes qui avaient accompagné Chaffanjon et affirmaient que celui-ci n’avait atteint que les rapides de Pañascal, situés à 150 km des véritables sources, découvertes en 1951 par une expédition organisée par le gouvernement vénézuélien et dirigée par le major Franz Rísquez-Iribarren. Les hommes que le légendaire cacique makiritare Aramare avait fournis à Chaffanjon pour la dernière partie de son trajet disaient n’avoir eu aucun contact avec les Indiens guaharibos du haut Orénoque. C’est ce que déclara Aramare au gouverneur d’Amazonie, Juan Anselmo, en 1893, démentant les déclarations du voyageur français. Ces accompagnateurs réitérèrent leur témoignage à l’explorateur américain Alexander Hamilton Rice en 1919.

Bien que la véracité des faits fût bientôt démentie, l’annonce de la découverte des sources de l’Orénoque fit sensation dans les milieux scientifiques européens. Les décorations ne se firent pas attendre : Grand Officier de l’Ordre du Libérateur au Venezuela, Médaille d’or Dupleix de la Société géographique commerciale de Paris et Grande Médaille d’or de la Société géographique de France.

Ses aventures connurent un grand retentissement avec la publication de son oeuvre  L’Orénoque et le Caura  (Paris, 1889) dont on doit l’édition espagnole, El Orinoco y el Caura. Relación de viajes realizados en 1886 y 1887, à la Fundación Cultural Orinoco.

De l’avis de nombreux chercheurs, le récit de Chaffanjon renferme des inexactitudes et des exagérations et reflète une imagination excessive au point que le scientifique Alfredo Jahn, l’a qualifié de «  livre d’aventures qui a fourni à Jules Verne le thème de son fantastique roman «Le superbe Orénoque », et fut loin de répondre aux espoirs de la mission scientifique qui lui avait été confiée.

Chaffanjon réalisa son  second voyage en compagnie du peintre Auguste Morisot qui recueillit ses impressions dans un journal encore inédit intitulé :  Un peintre sur l’Orénoque .

ALBERT GAILLARD DE TIREMOIS

En 1887, un scientifique français, Albert Gaillard de Tiremois, explora des cimetières indigènes piaroa et guahibo dans le haut Orénoque. Dans la région d’Atures il rencontra les membres de l’expédition de Vicente Marcano, patronnée par le gouvernement vénézuélien et le laboratoire Broca de Paris. Marcano, qui voyageait en compagnie de son frère Bonifacio, d’Alfredo Jahn et de Carlos A. Villanueva, invita Gaillard à se joindre au groupe.

Après trois heures d’ascension épuisante ils arrivèrent à l’entrée d’une grotte dissimulée par des lianes. A l’intérieur de cette enceinte en plan incliné d’environ 50 mètres sur 6 ils ne trouvèrent qu’un seul cadavre en parfait état de conservation et orné de riches parures,  probablement celui d’un cacique. Sur les murs, à hauteur d’homme, ils virent des inscriptions étranges et des silhouettes d’animaux, dont celles d’un poisson, d’un singe et d’un tigre. Leur guide, Pedro Pinto, s’étonna de ne trouver qu’une seule urne dans un cimetière de cette importance. Gaillard émit l’hypothèse que les Piaroas avaient transporté leurs morts dans d’autres grottes à la suite des actes de profanation des français Jules Crevaux (1881) et Jean Chaffanjon (1886). Vicente Marcano envoya finalement ces restes au musée d’Histoire naturelle de Caracas d’où ils furent expédiés en France à titre documentaire pour étayer l’étude des cultures indigènes entreprise par son frère, Gaspar Marcano

Les observations d’Albert Gaillard, recueillies par le Dr Labesse, parurent en 1904 dans les Mémoires de la Société d’agriculture, des sciences et des arts d’Angers, sous le titre « Les sépultures (cuevas) des  Indiens du haut-Orénoque ».

Outre ces activités, Gaillard rassembla une extraordinaire collection de champignons des environs de Caracas et de l’Orénoque entre Ciudad Bolívar et San Fernando de Atabapo. Ce matériel fut étudié à Paris par Narcisse Patouillard qui identifia 278 espèces distinctes dont 124 inconnues. Les résultats furent publiés dans le Bulletin de la Société mycologique de France sous le titre « Champignons du Venezuela et principalement de la région du haut Orénoque, recueillis en 1887 par M.A. Gaillard » (France, 1887), par N. Patouillard et A. Gaillard.

LUCIEN MORISSE

Pendant les trois dernières décennies du XIXe siècle, la Guyane vénézuélienne fut le théâtre d’une invasion irrépressible de voyageurs, explorateurs, trafiquants et mineurs venus de diverses latitudes, saisis par la fièvre de l’or. Parmi eux se trouvaient plusieurs français dont Ch. P. Gachet, qui arriva en février 1883. Il prospecta le vaste réseau de concessions des mines d’El Callao, explora des gisements, étudia la composition de l’air et les conditions météorologiques avant de rédiger son Excursion au pays de l’or qui fut éditée à deux reprises en moins de deux ans, en 1883 et 1884.

En 1887 le ministère français de l’Instruction publique envoya au Venezuela le Dr Lucien Morisse, diplômé de l’Ecole de médecine de Paris, qui prit par la suite part à trois importantes missions en territoire vénézuélien.

Au cours du premier voyage, de 1887 à 1889, il parcourut près de 7000 kilomètres sur l’Orénoque et dans les régions limitrophes de la Colombie et du Brésil au sud de San Carlos de Rio Negro. Il se proposait d’enquêter sur le caoutchouc extrait des arbres connus sous le nom scientifique de Hevea brasiliensis et Hevea benthamiana.
.
Sa seconde mission dans les forêts du Caroni et le bas Orénoque, de 1891 à 1892, avait pour objet l’étude des gommes du type gutta venant d’arbres tels que le pendare, le balata, le marima et le mazaranduba. Dans un document intitulé Atabapo: El Caucho en Venezuela (Caracas, 1903), un chercheur vénézuélien, Bartolomé Tavera Acosta, réfuta une grande partie des opinions que Morisse avait émises sur les processus d’exploitation du caoutchouc dans des articles publiés en 1901 dans le quotidien de Caracas El Tiempo : « Las Gutaperchas Americanas » et « El Caucho del Alto Orinoco ».

Morisse revint en France et suivit des cours spécialisés pour se préparer à sa troisième mission en 1894: une étude géologique de la Guyane vénézuélienne. Pour cela il explora minutieusement la région aurifère d’El Callao, décrivant ensuite cette expérience dans un ouvrage intitulé : Excursion dans l´El Dorado. El Callao publiée à Paris en 1904. (Excursión a El Dorado. El Callao. Caracas, C.V.G., 1986).

A l’origine des missions confiées à Morisse par son gouvernement se trouvaient très probablement les informations sur le potentiel aurifère de la Guyane que la France avait accumulées depuis des années. En outre, au milieu de l’année 1850 s´était établi dans la région le médecin français Louis Plassard, cité par Ch. P. Gachet, que Morisse considérait comme “l’initiateur du grand mouvement d’où surgit El Callao” et qui entre 1850 et 1860 se consacra à l’exploitation de l’or selon des procédés artisanaux rudimentaires en employant des noirs venant des Antilles et de la Guyane anglaise. Dans son livre Morisse   déclare soupçonner l’intention du gouvernement anglais d’étendre les limites de la Guyane britannique jusqu’au Venezuela en raison des richesses aurifères du Yuruari.  Il exprimait le désir que ces ambitions soient assumées par la France, le justifiant en ces termes : « …El Callao, le plus célèbre filon, la mine sans égal, unique dans l’histoire industrielle de l’or, citée dans le monde entier comme le prototype de la richesse, en raison d’un rendement dont le record n’a jamais été égalé. Jamais aucune mine n’a fourni une telle quantité de métal précieux par seau de quartz extrait ».

LA DECOUVERTE DES SOURCES DONNANT NAISSANCE A L’ORENOQUE

A la fin de 1950, le gouvernement vénézuélien décida d’organiser une expédition dont l’objectif était de « remonter l’Orénoque jusqu’à ses sources et d’en étudier la géographie,  ainsi que celle des régions adjacentes » et de « relever définitivement et de manière précise les coordonnées de sa source ».

Cette mission fut confiée au ministère de la défense et à la Direction de la cartographie nationale qui nommèrent le major Franz Rísquez-Ibarren chef de l’expédition. Un important groupe de scientifiques prit part au projet, baptisé expédition franco-vénézuélienne en raison de la présence de plusieurs explorateurs français dont seul Joseph Grelier parvint près des sources.

Le siège de l’expédition fut établi au musée des Sciences naturelles de Caracas ; après une planification soigneuse, un premier campement fut installé à La Esmeralda (Etat d’Amazonie) dès avril 1951 ; il constituait le campement de base Nº 1   à partir duquel allait se dérouler l’ensemble du processus qui quelques mois plus tard allait culminer avec l’arrivée aux sources de notre plus grand fleuve. Surmontant tous les obstacles qu’implique une expédition de ce type, le groupe d’explorateurs atteignit son objectif dans la matinée du 27 novembre 1951 et put établir que l’Orénoque prenait naissance à 1.100 mètres d’altitude en un point situé au sud-est du Venezuela  répondant aux coordonnées suivantes : latitude 2º18; longitude 63º21’24,9 ». La borne marquant la première source fut désignée comme P3 et la seconde P5.

Membres de l’expédition :

Major Franz Rísquez-Iribarren

Chef de l’expédition

 Prof. José María Cruxent

Directeur du musée des Sciences naturelles de Caracas

Dr Luis M. Carbonell P
Docteur en médecine, diplômé de l’Université centrale du Venezuela.

Dr Pablo Anduze
Entomologiste et médecin, membre de l’Académie des Sciences physiques, mathématiques et naturelles

Capitaine Félix Cardona
Astronome de la Division de géodésie des services de cartographie nationale

Chercheurs  français et  autres membres du personnel scientifique, technique et ouvrier :

Professeur Léon Croizat,                                             Carlos Luis Carmona,
Marc de Civrieux,                                                       Félix Cardona fils
Professeur René Lichy,                                                Manuel Butrón,
Lieutenant Alfredo Alas Chávez                                  Idelfonso Villegas,
Pierre Ivanoff,                                                 Pierre Couret
Joseph Grelier,                                                            Francisco Laforest
Raymond Pellegry.                                                      36 aides.

Une fois l’expédition achevée, certains de ses membres écrivirent leur version de cette journée historique. Chacune de ces œuvres offre une analyse différente des  épisodes de ces huit mois de lutte pour arracher à la forêt amazonienne le secret du lieu où se rassemblent les premières gouttes qui donnent naissance au grand fleuve Orénoque.  Citons notamment : “Donde nace el Orinoco “(Caracas, 1962), de Franz Rízquez Iribarren; “Shailili-Ko “(Caracas, 1960), de  Pablo Anduze; “Yaku, las fuentes del Orinoco” (Caracas 1979), de René Lichy; “Aux sources de l’Orénoque” (Paris, 1954), de Joseph Grelier; et un recueil du colonel Alberto Contramaestre Torres intitulé La Expedición Franco- Venezolana al Alto Orinoco “ (Caracas, 1954).









GLOSSAIRE


Amsa
Ornement rituel revêtant la forme d'une chauve-souris en bois sculpté où sont accrochés des toucans empaillés dont le nombre peut varier. Cet ornement chamanique se porte sur le dos avec un collier de dents de pécari.

Balata (Mimusops balata)

Arbre d’où est extrait le latex, utilisé pour la fabrication des râpes à manioc et en guise d’imperméabilisant.


Budare
Plaque en argile ou en fer, de forme circulaire et de dimensions variables, sur laquelle sont  cuits les petits pains de maïs (arepas) , la cassave et la farine de manioc.

Cacure
Piège utilisé pour la pêche.

Catumare
Panier servant au transport. Porté sur le dos, il est soutenu par une lanière entourant le front du porteur.

Chiquichique (Leopoldina piassaba)
Palmier d’où est extraite une fibre très résistante utilisée pour la vannerie et pour la confection de cordages pour les embarcations, de brosses et de balais.

Cucurito (Maximiliana regia Mart)
Palmier aux fruits comestibles. Ses graines servent à la fabrication de colliers et d’amulettes ; on extrait de ses feuilles une fibre utilisée pour la fabrication de textiles.


Cumare (Astrocaryum tucuma)
Palmier dont les feuilles fournissent une fibre très fine et résistante avec laquelle sont tissés les hamacs, les pièces de vannerie et divers objets à usage ménager.

Curagua (Ananas erectofolius L.B. Smith)
Broméliacée d’où l’on tire une fibre extrêmement résistante.

Guanepe
Bande utilisée pour porter les bébés. Elle est confectionnée avec de l’écorce de marima et cousue avec du fil de curagua. Elle peut être aussi fabriquée avec le coton tissé sur des métiers rudimentaires à simple châssis.

Guapa
Corbeille peu profonde de diamètre variable. On y place la farine de manioc ou des aliments secs. D’une grande valeur esthétique et décorative, elle est fabriquée à des fins commerciales.

Guatura
Panier de forme cylindrique servant au transport du manioc ou du bois. La partie supérieure est munie d’anses auxquelles est fixée une lanière faite de majagua.

Guayare
Ustensile utilisé pour transporter des charges sur le dos. Il est confectionné avec des lianes tressées.

Mamure (Heteropsis spruceana)
Fibre d’origine végétale communément employée pour la fabrication de paniers, de nasses et de cordons.

Manare
Tamis fait de fibres dures tressées, qui sert à tamiser ou à filtrer. Il peut être rond ou carré et est parfois doté d’une base fixe.

Mañoco
Farine de manioc amer, déshydraté et granulé. Aliment de base de l’alimentation indigène. Au Brésil, le mañoco est connu sous le nom de farinha.

Mapire
Panier cylindrique tressé en diagonale avec une base convexe et un orifice circulaire. Il est spécialement conçu pour contenir, entreposer ou transporter des aliments.

Marima (Antiaris sacciadora)
Arbre dont l’écorce fournit une fibre ressemblant à une étoffe avec laquelle on confectionne des vêtements, des arcs et des cordes.

Moriche (Mauritia flexuosa L.)
Palmier fournissant une fibre souple et résistante utilisée pour la fabrication de hamacs, de vanneries, d’ustensiles de pêche et de nombreux autres objets de la culture matérielle.

Peramán (Syphonya globulifera L)
Arbre d’où l’on extrait une résine noire qui est utilisée comme pigment, en guise de colle ou pour le calfatage des embarcations.

Paují culo blanco (Crax alector) et Paují culo colorado (Mitu tomentosa)
Gallinacés comestibles, de la taille d’un dindon. Leurs plumes, en particulier celles de la queue et de la crête, sont très recherchées pour la confection des couronnes, la décoration des flèches et d’autres ornements corporels.

Pendare (Mimusops surinamienses)
Arbre dont le bois dur est utilisé pour la fabrication des canoës, des pagaies et de nombreux autres objets de la culture matérielle indigène.

Sarrapia (Diphisa punctata Blake Amsh)
Arbre de la famille des légumineuses. On extrait de ses graines la coumarine, substance servant à fixer les parfums.

Sebucán
Presse en forme de panier tressé avec laquelle on extrait le yare, liquide vénéneux du manioc amer.

Tirite (Ischosiphon aruma)
Herbe vivace d’où l’on tire une fibre utilisée pour la fabrication de guapas, manares, sebucanes, petacas et de nombreuses autres pièces de vannerie.

Wuwa
Panier servant au transport, confectionné à l’aide de mamure, une liane tressée en spirale. Il est actuellement fabriqué à des fins commerciales et décoratives.